Economie

Accès au marché

22.02.24

En France, l’activité des entreprises du médicament s’exerce dans un cadre très strict, fixé par le Code de la santé publique.
Au sens de ce code, la fabrication, l’importation, l’exportation, la distribution en gros de médicaments, ainsi que l’exploitation des spécialités pharmaceutiques ne peuvent être effectuées que dans des établissements pharmaceutiques, dont l’ouverture est subordonnée à une autorisation délivrée par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) pour les établissements de distribution en gros.
La mise sur le marché d’un médicament résulte d’un processus encadré, faisant intervenir une variété d’acteurs publics, aux niveaux français et européen.

L’autorisation de mise sur le marché (AMM)

Il s’agit d’une décision qui permet à un produit de santé d’être mis à disposition des patients. Elle est octroyée soit au niveau européen (3 procédures) par l’European Medicines Agency (EMA), organisme européen basé à Amsterdam, ou au niveau national, en France, par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
L’AMM est en outre la garantie que le médicament possède un profil de qualité, de sécurité et d’efficacité satisfaisant, et qu’il peut être mis à disposition dans des conditions d’utilisation précises. En effet, pour qu’une AMM puisse être octroyée, il convient que les bénéfices apportés par l’innovation excèdent les éventuels risques (effets secondaires) qu’elle pourrait potentiellement entraîner : il est alors considéré que le rapport bénéfices/risques d’un produit de santé est positif.
Par ailleurs, aucune considération économique n’est prise en compte dans la procédure d’AMM, puisque seules les données scientifiques issues des phases de recherche et développement sont considérées dans le dossier déposé auprès de l’autorité compétente.
Cette procédure est ainsi très encadrée et définie précisément dans la réglementation française et européenne.

L’admission au remboursement

Une fois l’AMM octroyée par l’agence européenne ou française, toute innovation doit faire l’objet d’une évaluation par une autorité administrative indépendante, autonome financièrement et sans tutelle ministérielle : la Haute Autorité de santé (HAS). Parmi ses missions, la HAS a en charge l’évaluation scientifique et médico-économique des produits de santé, dont les médicaments.

L’évaluation scientifique s’opère sur deux critères : le service médical rendu (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR).

Le service médical rendu (SMR)
L'évaluation du service médical rendu (SMR) détermine l’accès au remboursement et le taux de remboursement de l’innovation considérée, fixé par l’Assurance maladie. Le SMR est un critère qui prend en compte plusieurs aspects : d’une part la gravité de la pathologie pour laquelle le médicament est indiqué ; d’autre part des données propres au médicament lui-même dans une indication donnée :

• efficacité et effets indésirables ;
• place dans la stratégie thérapeutique (notamment au regard des autres thérapies disponibles) et existence d’alternatives thérapeutiques ;
• intérêt pour la santé publique.
En fonction de l’appréciation de ces critères, plusieurs niveaux de SMR ont été définis :
• SMR majeur ou important ;
• SMR modéré ou faible, mais justifiant cependant le remboursement ;
• SMR insuffisant (SMRi) pour justifier une prise en charge par la collectivité.

Le SMR d’un médicament est mesuré à un moment donné. Il peut évoluer dans le temps, notamment lorsque des nouvelles données sont produites, ou lorsque des alternatives apparaissent.

L’amélioration du service médical rendu (ASMR)
L’évaluation de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) participe à la fixation du prix d’un médicament remboursable.
L’ASMR correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament, en comparaison avec les traitements disponibles dans une pathologie considérée.
En fonction de l’appréciation, plusieurs niveaux d’ASMR ont été définis :
• ASMR I, majeure ;
• ASMR II, importante ;
• ASMR III, modérée ;
• ASMR IV, mineure ;
• ASMR V, inexistante, signifie « absence de progrès thérapeutique ».

Par ailleurs, certaines innovations (revendiquant une ASMR I à III ou ayant un impact budgétaire estimé élevé) font l’objet d’une évaluation médico-économique. Cette mission plus récemment confiée à la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) vise à éclairer les décisions de fixation du prix des innovations, avec un avis rendant compte de l’impact économique de celles-ci avant qu’elles n’accèdent au marché.
La HAS définit l’évaluation économique comme mettant en regard « les résultats attendus d’une intervention de santé avec les ressources consommées pour la produire. Cela suppose que les interventions de santé soumises à la décision publique soient comparées, sur la base de leurs résultats et de leurs coûts respectifs.
L’objectif de l’évaluation économique est de hiérarchiser les différentes options envisageables en fonction de leur capacité à engendrer les meilleurs résultats possibles à partir des ressources à mobiliser, au service des décideurs en vue d’une allocation optimale des ressources. On parle à ce propos de recherche de l’efficience.
»

Ainsi, sur la base des évaluations de la Haute Autorité de santé, les décisions d’inscription au remboursement pourront être prises par les ministres compétents.

En se fondant sur le niveau de SMR, l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie (Uncam) fixe le taux de remboursement d’un produit de santé, entre 0 et 100 %. pour tous les médicaments ou entre 15 et 100 % pour le remboursable.
Puis, sur la base du niveau d’ASMR, le prix d’une innovation est déterminé par le Comité économique des produits de santé (CEPS), organisme public qui regroupe une grande variété d’acteurs et décideurs institutionnels de la santé.
Lors de la négociation entre le laboratoire pharmaceutique et le CEPS, le prix est déterminé en prenant en compte plusieurs dimensions, dont l’ASMR, mais aussi le prix fixé pour les traitements existants pour une pathologie donnée, ou les prix pratiqués à l’étranger pour l’innovation considérée.
Les médicaments non remboursables sont, quant à eux, directement commercialisables après l’AMM, à prix libre. Leur publicité auprès du grand public peut être autorisée par l’ANSM si leur prescription n’est pas obligatoire.

 


Des délais qui s'allongent et retardent l'accès des patients aux médicaments

Les délais de mise à la disposition des patients, après obtention de leur AMM, demeurent longs et sont préjudiciables aux patients comme aux entreprises. Ils sont en moyenne, sur la période 2018-2021, de près de 508 jours en France, contre 497 jours sur la période précédente.

Au niveau européen, la France se classe 15ème en termes de délai d’accès moyen et reste bien au-dessus des 180 jours fixés par l’Union européenne.

 

 

                                                                                           

Délais d’accès au marché : de quoi parle-t-on ?

Les délais mentionnés plus haut reflètent le temps écoulé entre l’autorisation de mise sur le marché (AMM) octroyée par l’Agence européenne des médicaments (EMA) et la mise à disposition des médicaments en France, qui est déterminée par la date de publication de l’inscription au remboursement et/ou du prix au Journal officiel. Ces délais ne peuvent pas être comparés stricto sensu au délai de 180 jours établi par l’Union européenne, qui considère l’initiation du délai au moment de la demande de prise en charge.
Le dispositif d’accès précoce (voir plus loin) permet aux patients d’avoir accès aux traitements avant l’AMM.
Le délai français de 508 jours ne prend pas en compte la période en accès dérogatoire (ex-ATU ou accès précoce) pour les produits ayant bénéficié de ces mesures, car ces accès dérogatoires ne concernent souvent qu’une petite partie de la population éligible au traitement, et il n’existe pas de dispositif comparable dans les autres pays.
En considérant ces médicaments, le délai moyen d’accès en France est réduit à 213 jours.
 

L’accès à de nouveaux médicaments sur le marché est déterminé par des étapes successives, comprenant leur  valuation, la négociation des prix, puis la publication au Journal officiel.
Pour les médicaments prescrits en ville, le délai moyen de publication au Journal officiel a considérablement augmenté, passant de 54 jours en 2016 à 87 jours en 2021.
Cela signifie que près de la moitié (49 %) du délai d’accès au marché est désormais consommé par ce processus administratif.
C’est encore plus frappant pour les médicaments destinés à être utilisés dans les hôpitaux. Le délai moyen de  ublication au Journal officiel pour ces produits a plus que doublé en cinq ans, passant de 34 jours en 2016 à 72 jours en 2021, ce qui représente 59 % du délai moyen d’accès au marché.
Cette tendance inquiétante souligne la nécessité de repenser et de moderniser nos processus administratifs, afin de ne pas retarder inutilement l’accès des patients aux traitements dont ils ont besoin.
 

Disponibilité des nouveaux produits

En ce qui concerne l'accès aux nouveaux médicaments approuvés entre 2018 et 2021, la France se classe derrière l'Allemagne et l'Italie, mais devant le Royaume-Uni et l'Espagne. Sur cette période, 67 % de ces nouveaux produits étaient accessibles aux patients dans l’Hexagone, contre 88 % en Allemagne et 76 % en Italie.

 

Le prix en France des médicaments : une référence dans plus de 50 pays

Une étude menée par Simon Kucher & Partners en 2021 pour le compte du Leem a effectué un état des lieux du référencement du prix français à travers le monde dans le cadre de la fixation des prix des médicaments.
Les prix publics des médicaments en France s’inscrivent aujourd’hui dans un écosystème international complexe. En Europe, presque tous les pays appliquent le référencement international des prix avec des modalités et des réglementations propres à chaque Etat.
Ce système complexe force les industriels à considérer l’impact concret du référencement international des prix lors de la prise de décisions stratégiques.
Les résultats de l’étude ont montré que le prix français était référencé par plus de 50 pays dans le monde, avec une empreinte particulièrement importante en Europe.
La plupart des pays référencent le prix fabricant français. Le prix public et le prix grossiste sont aussi communément utilisés.

Ce référencement est, pour la majorité des pays, appliqué dès le lancement du produit avec une tendance de re-référencement tous les ans ou tous les deux ans.
Le poids de la France dans le référencement de chaque pays varie selon le nombre de pays référencés et selon les modalités de calcul. Ainsi, certains pays référencent moins de cinq pays, alors que d’autres en référence plus d’une vingtaine.
Les deux principaux types de calcul pour le référencement sont :
– la moyenne de prix des pays référencés qui constitue la méthode la plus utilisée ;
– le minimum consistant à utiliser le prix le plus faible parmi les pays référencés.


(1) Le « Reference Pricing » ne s’entend que pour les pays dont le prix des médicaments est encadré par les autorités. Il ne s’applique pas aux pays où la négociation de prix est libre, comme les Etats-Unis.


L’utilisation en vie réelle

Après leur évaluation et leur arrivée sur le marché, les produits de santé peuvent faire l’objet d’une réévaluation. Celle-ci interroge le maintien du remboursement des produits concernés et l’évolution de leur prix à l’aune des nouvelles données disponibles : évolution de la prise en charge de la pathologie, efficacité réelle des innovations, etc.
Par ailleurs, les innovations sont appelées à démontrer leur valeur de façon continue. En effet, face à des innovations de plus en plus précises et spécifiques, faisant souvent l’objet d’autorisations précoces, une exigence de suivi plus étroit de leur efficacité devient prégnante.
C’est ainsi que, du modèle d’une évaluation valable pour plusieurs années, on observe un changement de paradigme vers une démonstration plus régulière et continue de la valeur des innovations.
L’enjeu est de s’assurer que les innovations proposées aux patients et prises en charge par la solidarité nationale apportent, au fil du temps, toujours la valeur attendue.
Cette démonstration continue de la valeur de l’innovation prend notamment la forme d’études post-inscription. Afin de lever une incertitude sur les conséquences à court ou long termes de certaines innovations, la HAS peut « demander le recueil de données complémentaires par la réalisation d’études post-inscription (…) qui visent à collecter des informations pragmatiques, essentielles pour réduire l’incertitude initiale et permettre une réévaluation pertinente des technologies concernées ».

Pour répondre à cette ambition fixée par la HAS, les études post-inscription poursuivent trois objectifs :
• déterminer comment le médicament est prescrit par le médecin et comment il est utilisé par le patient ;
• évaluer les effets observés dans la pratique par rapport à ceux attendus et procéder à des comparaisons selon des critères cliniques ou entre produits ;
• évaluer la sécurité d’emploi du médicament au long cours sur une population large.

Celle-ci est par ailleurs rendue possible par l’essor et l’exploitation des données de vie réelle : elles permettent de s’assurer de l’efficacité des  innovations pour les patients en vraie vie. Souvent exploitées pour réévaluer les produits de santé après leur mise sur le marché (réévaluations économiques, de bon usage, de tolérance, etc.), elles peuvent cependant également être utilisées à d’autres fins, par exemple de recherche.
 

L’accès précoce : une réforme pour faciliter l’accès des patients à l’innovation

éco

 

La réforme de l’accès précoce, entrée en vigueur au 1er juillet 2021, a remplacé l’ancien système des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) pour simplifier et accélérer l’arrivée des innovations sur le marché, et ainsi favoriser un accès rapide des patients aux nouveaux traitements.
Les critères d’octroi sont cumulatifs pour qu’une spécialité puisse bénéficier de cet accès dérogatoire avant ou après l’obtention de son AMM. Une autorisation d’accès précoce (AAP) peut être délivrée pour un an maximum et pourra être renouvelée.
Ce dispositif permet d’accélérer la mise à disposition de produits innovants pour les patients atteints d’une maladie grave, rare ou invalidante. Depuis l’entrée en vigueur du dispositif, en juillet 2021, 134 demandes d’accès précoce ont été déposées et 108 d’entre elles ont été évaluées.
Un accès précoce partiel signifie que la HAS a restreint l’indication par rapport à la demande du laboratoire. Plus de 80 % des demandes (pré-AMM et post-AMM) ont obtenu un accès précoce.

 

L’accès direct : une nouvelle réforme pour accélérer les délais

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 a créé une expérimentation dite « accès direct ». Le dispositif est entré en vigueur le 8 juillet 2023. Ce processus dérogatoire permet aux patients d’accéder à certaines innovations dès l’obtention de l’avis émis par la Commission de la transparence de la HAS. La loi restreint l’accès au dispositif à certaines indications. Un décret précise les critères d’éligibilité, à savoir l’octroi par la Commission de la transparence d’un SMR important et d’une ASMR I à IV.
La prise en charge au titre de cet accès direct se fera pour une durée d’un an maximum, période durant laquelle l’entreprise et le CEPS devront trouver un accord sur le prix.
 

 

 

L’essentiel

AMM

Pour être commercialisé, un médicament a besoin d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) :
elle est délivrée par l’ANSM ou l’EMA.

HAS

La commission de la Transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) apprécie le service médical rendu (SMR)
et évalue l’amélioration du service médical rendu (ASMR).

508 jours

Délai moyen d’accès au marché des médicaments remboursables (hors ATU) en France (période 2018-2021).

67 %

Part des produits ayant obtenu leur AMM entre 2018 et 2021 disponibles en France.

108

Nombre de demandes d'accès précoce évaluées par la HAS entre juillet 2021 et février 2023.