Innovation & Santé

Chantier 6 : la fixation des prix des médicaments innovants

10.05.19
Le modèle économique du médicament est celui d'un long, coûteux et très risqué parcours de recherche et développement. La diversification des mécanismes de fixation de ces prix a pour objectif de s'adapter aux profils des innovations et concilier accès et efficience.

Il faut en moyenne onze ans pour rechercher et développer un médicament, il en coûte 1,5 milliard de dollars, et la probabilité pour une molécule en phase I de son développement d'être un jour en moyenne, commercialisée est de seulement 7 %.

En oncologie, les coûts de développement sont encore plus élevés, et le taux d'échec en fin d'étude de phase III est de 50 %.
Plusieurs acteurs suggèrent une construction du prix du traitement à partir des coûts de recherche et développement, auxquels serait ajoutée une marge assurant aux industriels un niveau de profitabilité acceptable.

Cette approche se heurte à plusieurs difficultés : il est très complexe d'individualiser les coûts de recherche et développement par molécule, l'individualisation des coûts par pays est également problématique, et, surtout, dans le prix du médicament qu'il négocie aujourd'hui, l'industriel cherche avant tout à pérenniser ses capacités de financement des innovations de demain (logique de valeur d'option et de non de rentabilisation de décisions passées, prises parfois douze ans auparavant).

Vers une approche transactionnelle entre acteurs ?

A défaut de pouvoir construire de manière analytique le prix du médicament, à partir des coûts de production ou des coûts de R&D, l'approche transactionnelle par la négociation est de plus en plus souvent évoquée.
Un prix résultant de la prise en compte des considérants de toutes les parties jugées légitimes à le négocier apparaît "juste" au sens de l'équité.

Quelles parties prenantes ?

La question première est celle des parties prenantes à associer.
Le "fournisseur" (le laboratoire pharmaceutique) et "l'acheteur" - en France, le Comité économique des produits de santé (CEPS), en tant que régulateur - sont indispensables.
Une représentation des patients du système de santé dans la négociation au sein du CEPS aurait l'avantage de répondre aux critiques d'opacité.
Elle aurait pour intérêt de faire valoir l'exigence d'accès des innovations à tous les patients qui en ont besoin.

Quels critères ?

Du point de vue du régulateur, la valeur thérapeutique apportée par le médicament pour le patient et la société est la première attente.

Celle-ci est aujourd'hui prise en compte dans le critère ASMR (amélioration du service médical rendu), qui est le déterminant majeur des règles actuelles de fixation du prix des médicaments.
Essentiellement orientée vers l'objectif de réduction de la morbidité ou mortalité, l'évaluation de la valeur thérapeutique ajoutée devrait être enrichie par celle de la qualité de vie et d'une prise en compte en situation de vie réelle (ce que les associations de patients appellent de leurs vœux).

La soutenabilité financière pour l'Assurance maladie est généralement ignorée des règles de la négociation, alors qu'elle apparaît comme un enjeu majeur pour le régulateur au regard de l'accélération des progrès thérapeutiques attendus au cours des prochaines années.

Pour certains traitements innovants et coûteux, il pourrait être utile de rendre compte des coûts et des économies prévus dans un horizon de trois à cinq ans, et d'inscrire ceux-ci dans une lecture pluriannuelle des ressources de l'Assurance maladie. Mentionnons également l'idée consistant à créer une enveloppe globale et pluriannuelle par pathologie proposée par l'Institut Montaigne dans son récent rapport sur l'innovation en santé  : cela consiste à intégrer les thérapies innovantes dans l'enveloppe historiquement allouée au traitement d'une pathologie.

Vers des prix modulaires ?

La valeur d'un traitement ou d'une solution santé varie dans le temps et selon l'indication, en fonction des résultats observés.

La modulation des prix dans le temps et selon les indications apparaît incontournable à terme. Le prix du médicament pourrait, de la sorte, fluctuer, en étant indexé sur la performance constatée en vie réelle. Une révision plus dynamique des prix et leur ajustement plus fin seraient, pour certains, susceptibles de faciliter et d'accélérer les accords de prix, et donc la mise à disposition aux patients.
 
Cette approche est, depuis quelques années, au centre de nombreuses réflexions.
L'idée de prix révisés selon l'efficacité des produits en vie réelle a été avancée par le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), afin de disposer d'un levier de régulation après l'admission d'un médicament au remboursement.

Elle l'a également été par des professionnels de santé ou des représentants des patients, partant du constat que l'efficacité d'un traitement, lorsqu'il est prescrit à l'ensemble de la population cible, n'est pas toujours aussi favorable que celle constatée lors des essais cliniques.

 

 

    Le chantier de La réforme de L'évaluation médico-économique des médicaments à travers La Valeur Thérapeutique Relative (VTR)

 

Considérant qu'il était temps de faire évoluer le processus de l'évaluation menée par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS), de manière "à rendre le mécanisme de remboursement plus prévisible pour les industriels, sans aucune conséquence négative pour les patients" , le gouvernement souhaite que les indicateurs doubles du service médical rendu (SMR) et de son amélioration (ASMR) - qui se succèdent - soient remplacés par un seul indicateur, la Valeur Thérapeutique Relative (VTR), ainsi que le préconisait Dominique Polton dans son rapport rendu en 2015.

Le Conseil stratégique des industries de santé (Csis) du 10 juillet 2018 a décidé de créer un groupe de travail qui devra "permettre à terme d'évaluer les médicaments selon l’indicateur unique de la VTR."
 

Le service médical rendu par un médicament (SMR) correspond à son intérêt en fonction notamment de ses performances cliniques et de la gravité de la maladie traitée.
La Commission de la transparence de la HAS évalue le SMR, qui peut être important, modéré, faible, ou insuffisant pour que le médicament soit pris en charge par la solidarité nationale.
Le SMR permet également de définir un taux de remboursement.

L’amélioration du service médical rendu (ASMR) correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament par rapport aux traitements existants.
La Commission de la transparence de la HAS évalue le niveau d’ASMR, cotée de I, majeure, à IV, mineure.

L’ASMR est un élément important de fixation du prix.

 

 

 

 

 

 

 

(Chantier 6 "Diversifier les mécanismes de fixation des prix des médicaments innovants pour s'adapter aux profils des innovations et concilier accès et efficience").

Extrait de Santé 2030 - Partie 4 : 10 chantiers pour construire 2030. Retrouvez  l'intégralité de l'étude sur le site.