Innovation & Santé

Comment vont les Français ?

18.04.19
L'espérance de vie à la naissance, en France métropolitaine, en 2017, atteint 79,5 ans pour les hommes (67 ans en 1960) et 85,4 ans pour les femmes (73,6 ans en 1960). [1]

Espérance de vie : vers une stagnation ?

Au milieu du XVIIIe siècle, l'espérance de vie des Européens était d'environ 25 ans.
En 2014, au sein de l'Union européenne des 28 (UE-28), elle était de 80,9 ans (83,6 ans pour les femmes et 78,1 ans pour les hommes) : elle a donc été multipliée par trois en deux siècles.
Parallèlement, l'espérance de vie à 65 ans est passée d'environ 15 ans dans les années 1980, à 20 ans en 2014 [2].

Les progrès enregistrés s'expliquent par différents facteurs : diffusion de la vaccination, amélioration de l'hygiène, des modes de vie et de l'alimentation, démocratisation de l'accès aux soins et aux médicaments, progrès de la médecine dans le traitement des maladies...
Néanmoins, on enregistre depuis quelques années une stagnation, voire une baisse de l'espérance de vie à la naissance et en bonne santé.
En 2015, pour la première fois en France depuis 1969, celle-ci a diminué pour les femmes et les hommes, mais elle a de nouveau augmenté en 2016 [3].
Aux Etats-Unis, même tendance : elle a diminué de 0,1 an entre 2014 et 2015, alors qu'elle augmentait de manière continue depuis vingt-deux ans [4].

Evolution de l'espérance de vie

De plus, en 2018, l'espérance de vie des femmes est la même que quatre ans auparavant. Pour autant, l'inégalité femmes-hommes reste considérable.
En 2019, l'espérance de vie des hommes est équivalente à celle que les femmes avaient au milieu des années 1980.

La France enregistre de plus un taux de mortalité prématurée et évitable parmi les plus élevés de l'Union européenne, bien qu'il baisse tendanciellement.
Le taux de mortalité précoce des hommes de moins de 65 ans, évitable par la prévention (selon les experts entre 30 et 40 % des décès prématurés pourraient être ainsi évités), est même le plus élevé des principaux pays européens (92,2 décès pour 100 000 hommes en 2010), tandis que celui des femmes se situe au troisième rang (27,3 décès pour 100 000 femmes en 2010).
Un écart de 26 % avec l'Espagne, 28 % avec le Royaume-Uni et 46 % avec l'Italie.
Ces décès précoces peuvent être évités par le dépistage et l'amélioration de la prise en charge médicale, mais également et surtout en amont, par des actions fortes sur les comportements et les situations à risque (conduite dangereuse, consommation excessive de tabac et d'alcool, surconsommation alimentaire, manque d'activité physique, métiers dangereux, état dépressif.).

 

Est-ce une tendance de fond ou un simple accident de parcours ?

La stagnation de l'espérance de vie s'affirme comme une tendance de fond "drivée" par la montée du diabète et la maladie d'Alzheimer.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2030, le diabète sera la septième cause de mortalité dans le monde [5], tandis que la prévalence des maladies liées au grand âge pourrait s'accroître.
L'Imperial College de Londres se prononce pour l'accident de parcours.
Des chercheurs ont mis au point un modèle basé sur les évolutions passées des taux de mortalité et des âges de décès dans 35 pays développés [6].
Il en ressort que, d'ici 2030, dans ces pays, il existe une probabilité de 50 % pour que l'espérance de vie à la naissance des femmes dépasse 90 ans, et pour que leur espérance de vie à 65 ans excède 25 ans. Ils n'excluent cependant pas le fait que les décès liés aux modes de vie puissent augmenter.

Ecart d'espérance de vie entre femmes et hommes

 

En 2030

Un marqueur social qui ne s'efface pas

Ces inégalités fortes semblent ne pas devoir se réduire et pourraient s'accroître d'ici 2030.
Au-delà de la croissance globale de l'espérance de vie, les inégalités majeures d'espérance de vie devraient persister entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les catégories sociales.

 

  • A 35 ans, un homme cadre peut espérer vivre jusqu'à 84 ans, soit presque 7 ans de plus qu'un ouvrier, 4 ans de plus qu'un employé et 3 ans de plus qu'un agriculteur.
  • Une femme cadre de 35 ans peut, quant à elle, espérer vivre jusqu'à 88 ans, contre 85 ans pour une ouvrière, 86 ans pour une employée et une agricultrice.

 

espérance de vie

Centre d'observation de la société ; janvier 2018.

 

 

 

Sources :

[1] Source : Centre d'observation de la société ; janvier 2018
[2] https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Population_structure_and_ageing
[3] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2554860#titre-bloc-14
[4] https://www.cdc.gov/nchs/products/databriefs/db267.htm Source schéma : Espérance de vie à la naissance, série Insee, France entière, données de décembre 2016 ; espérance de vie sans incapacité, calculée avec la méthode de lEuropean Health expectancy Monitoring Unit (EHEMU) à partir des données de l'enquête SUC réalisée par l'Insee pour la mesure des incapacités

[5] http://www.euro.who.int/fr/media-centre/fact-sheets
[6] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)32381-9/fulltext

 

 

LE DÉFI DU GRAND ÂGE ET DE LA PERTE D'AUTONOMIE

Si les tendances se poursuivent (vieillissement, comportements et modes de vie à risque, polluants, disparités socio-économiques élevées), on assistera :

  • à une augmentation continue des patients en situation de pathologies chroniques, y compris à des âges de plus en plus jeunes, à l'instar de la diffusion et de la banalisation des situations d'hypertension artérielle ;
  • au développement des cas de multi-pathologies. Sans changement de politique, l'hypothèse est celle d'une augmentation de 50 % des patients en statut d'ALD (affection de longue durée), soit 15 millions en 2030, contre 10 millions en 2014 (ce qui pourrait absorber plus des deux tiers des ressources de l'Assurance maladie, selon les travaux de la Cour des comptes) [2] ;
  • à des états de santé de plus en plus marqués par la situation sociale, l'éducation et les revenus ;
  • à une probable diminution de l'espérance de vie en bonne santé (liée notamment au poids des populations de grand âge et au développement de populations en multi-pathologies).

 

4 à 6 pathologies [3]
Nombre de pathologies dont souffriront les seniors en 2030.

De 1,4 à 1,7 million [3]
Nombre de personnes âgées dépendantes en 2030.
 

Part des seniors dans la société française

 

Combien de patients atteints de pathologies chroniques en France ?

Plus de 10 millions de personnes sont atteintes par une affection de longue durée (ALD).
1 Français sur 6 souffre d'une maladie chronique et 17 % des assurés bénéficient d'une prise en charge à 100 %.

Chaque année, le chiffre des ALD augmente :
1.3 million de nouveaux cas en 2014,
1.4 million en 2015 et 1,6 million en 2016

Le diabète est la maladie qui touche le plus de personnes (2,6 millions), mais la plus forte progression revient aux maladies cardiaques ( + 18,6 %), suivies de près par les tumeurs malignes (+17,1 %).
Les maladies psychiatriques concernent, quant à elles, 1,3 million de personnes.
Mais en tenant compte du nombre de personnes consommant des soins apparentés à une maladie chronique, avec ou sans reconnaissance d'affection de longue durée, l'Assurance maladie estime que 20 millions de personnes sont concernées par une pathologie chronique en 2015, soit 35 % de la population.
Si l'on ne dispose pas de projections à l'horizon 2030, on peut considérer que cette proportion continuera de croître fortement, en raison du poids des classes d'âges du baby-boom dans notre population, qui dépasseront les 70 ans puis les 80 ans, et de la chronicisation des pathologies.

(Source : chiffres 2016 de l'Assurance maladie)
 

[2] https://www.ccomptes.fr/fr/publications/securite-sociale-2016, septembre 2018.
[3] Think Tank Matières grises, septembre 2018.

 

 

La perte d'autonomie : une inquiétude majeure

60 % des Français sont préoccupés par une future perte d'autonomie [1].
En novembre 2018, le rapport sur "Le soutien à l'autonomie des personnes âgées à l'horizon 2030", a été adopté par le Conseil de l'âge du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) dans le cadre d'une saisine de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn.
L'horizon choisi, 2030, se situe à une période charnière, où les premières générations du baby-boom arriveront à l'âge de 85 ans, âge moyen d'entrée en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Les grandes tendances et les enjeux à l'horizon 2030 peuvent se résumer en six grands axes, notamment :

  • une augmentation de la demande de soins et du nombre de personnes ayant un besoin d'aide à l'autonomie (+24 % de bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie - APA), sous l'effet des évolutions démographiques ( + 19 % d'individus de plus de 85 ans) et épidémiologiques (avec une forte prévalence notamment des maladies neurodégénératives) ;
  • la progression à cette date du nombre des proches aidants ;
  • le souhait majoritaire des Français de rester à leur domicile ;
  • la poursuite du développement à un rythme soutenu des formes alternatives d'habitat ;
  • la poursuite de la spécialisation des EHPAD sur les personnes âgées les moins autonomes et atteintes de troubles cognitifs, avec en parallèle le développement de modèles innovants d'EHPAD ouverts sur l'extérieur et sur le domicile ;
  • une prégnance accrue de la question de l'attractivité des métiers sociaux, médico¬sociaux et du soin, et de l'amélioration des conditions de travail.

 

Santé perçue et causes de morbidité des personnes âgées

Avec l'âge, la santé perçue évolue négativement.
Moins d'un tiers des 75-84 ans et environ un quart des personnes âgées de 85 ans ou plus se déclarent en bonne ou en très bonne santé.
Avec l'âge, les maladies chroniques augmentent : 70 % des 85 ans et plus déclarent souffrir d'une maladie ou d'un problème de santé chronique (contre un tiers de la population de 15 ans ou plus).
Au-delà de 75 ans, la polypathologie est un phénomène fréquent.
Le vieillissement n'a pas le même impact si l'on vieillit en bonne santé ou avec des incapacités. Les incapacités sont souvent concentrées en fin de vie et concernent davantage les femmes du fait de leur longévité.

 

Le poids de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées

Selon les estimations issues des cohortes populationnelles, seules sources de suivi épidémiologique disponibles, il y aurait en France entre 900 000 et 1 million de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée.
550 000 personnes sont suivies médicalement, dont 350 000 bénéficient d'une prise en charge au titre d'une affection de longue durée.
Seul un patient sur deux atteint de la maladie d'Alzheimer serait diagnostiqué, et un patient sur trois à des stades précoces.
Avec 900 000 personnes atteintes, il est estimé qu'au moins 2 à 3 millions de personnes sont directement touchées par la maladie si on prend en compte les proches aidants.

(Source : extrait du rapport "Le soutien à l'autonomie des personnes âgées à l'horizon 2030").

[1] Baromètre Santé BVA opinion. Les Français et leurs préoccupations quotidiennes. 8 novembre 2016

 

 

Santé 2030 - Partie 1
Sources et intégralité de l'étude disponible sur notre site