Economie

Le commerce extérieur de médicaments

16.02.24

Contexte général : le commerce extérieur de la France se dégrade fortement

En 2022, le déficit commercial de la France a atteint 163,6 milliards d’euros, presque le double de 2021, établissant un record de – 7 % du PIB. Bien que le solde du 4e trimestre ait montré une amélioration de 9 milliards d’euros par rapport au précédent, il reste à – 40,3 milliards d’euros, dépassant d’un tiers celui de 2021.
Dans le détail des partenaires économiques, la balance s’améliore avec l’Italie de 8,5 milliards d’euros, mais se détériore de 4,3 milliards d’euros avec l’Espagne depuis 2020.
Le déficit annuel avec l’Allemagne dépasse 12 milliards d’euros en 2022, cumulant 309 milliards d’euros depuis 2001, avec des exportations françaises bien inférieures (594,5 milliards d’euros) à celles de l’Allemagne (1 564 milliards d’euros). Les déficits totaux de la France de 2001 à 2022 dépassent – 1 400 milliards d’euros, tandis que les excédents allemands approchent les 4 000 milliards d’euros.
La détérioration du solde avec les Etats-Unis (– 12,5 milliards d’euros en 2022) résulte des achats d’avions et d’hydrocarbures américains. Le déficit avec l’Afrique (– 10,8 milliards d’euros) est dû à des importations croissantes d’hydrocarbures du Nigeria et d’Angola. De même, le Proche et MoyenOrient enregistrent un déficit de 3,3 milliards d’euros, principalement en raison d’importations d’hydrocarbures du Qatar.
La hausse de la facture énergétique et la dépréciation de l’euro face au dollar, combinées aux variations des volumes échangés et au renchérissement des importations de produits manufacturés, expliquent cette dégradation.

Les échanges commerciaux de produits pharmaceutiques

Malgré une balance commerciale qui se dégrade, les produits pharmaceutiques représentent toujours le 4e excédent commercial de la France en 2022, derrière l’aéronautique, la chimie et l’agro-alimentaire.

 

 

Les importations et les exportations françaises de produits pharmaceutiques ont connu une dynamique croissante entre 2019 et 2022.
Cependant, la croissance plus marquée des importations a conduit à une dégradation de la balance commerciale. Par conséquent, bien que celle-ci ait légèrement augmenté entre 2021 et 2022 pour atteindre 3 milliards d’euros, elle a été réduite de moitié depuis 2019. Une inflexion notable semble se dessiner en 2023, comme le montrent les dix premiers mois de données de suivi du commerce extérieur. En effet, pour la première fois, la balance commerciale française des produits pharmaceutiques affiche un solde négatif (– 262 millions d’euros cumulés de janvier à octobre 2023).

 


Les chiffres présentés ci-dessus s’appuient sur les données de la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), dans la catégorie « produits pharmaceutiques » dont le périmètre est plus large que le périmètre des médicaments à usage humain.
Elle inclut notamment les principes actifs.
En restreignant l’analyse aux échanges commerciaux de médicaments à usage humain, on constate une dynamique similaire de diminution du solde, même si la balance commerciale n’est pas déficitaire à ce jour.
Ainsi, au cours des dix dernières années, les exportations ont augmenté de 33,8 %, tandis que les importations ont connu une croissance de 53,2 % sur la même période.
La balance commerciale des médicaments a ainsi enregistré une baisse de 16 % entre 2012 et 2022. En 2022, elle affiche une légère augmentation par rapport à l’année précédente (+24 %), mais elle ne parvient pas à compenser la forte baisse de 2021 (–43 %).

 

Les exportations de médicaments : retour à une dynamique prépandémique

Les exportations françaises de produits pharmaceutiques à usage humain ont augmenté (8,54 %) pour atteindre 33,8 milliards d’euros en 2022. Cette baisse est à relativiser au regard de la crise sanitaire : les exportations restent en augmentation par rapport à 2019 (+ 12 %).

 

Les exportations de la France sont principalement tournées vers ses partenaires européens

Les exportations de médicaments de la France vers l’Europe représentent plus 20 milliards d’euros en 2022 (plus de 60 % du total).
Néanmoins, les Etats-Unis demeurent le premier pays destinataire (4,3 Mds €), devant la Belgique (4,2 Mds €) et l’Allemagne (3,2 Mds €).

 

 

 


Ces bons résultats sont cependant à nuancer.
D’après une analyse réalisée annuellement par le Leem, sur les 404 médicaments autorisés en Europe entre 2016 et 2020, seuls 33 sont produits dans l’Hexagone derrière l’Allemagne (82), le Royaume-Uni (68), l’Irlande (62), l’Espagne (42) et l’Italie (34).
En étant moins impliquée que ses voisins dans la production de nouveaux médicaments, la France se prive dès lors des exportations dont elle aurait pu bénéficier, et se voit dans le même temps dans l’obligation de les importer.
Dans son étude annuelle sur la compétitivité française, publiée en juin 2019, CoeRexecode a objectivé le recul des exportations de la France, et plus particulièrement de l’export pharmaceutique, par rapport aux exportations de ses voisins européens.
Tandis que la part des exportations françaises, tous produits confondus, dans celles de l’ensemble de la zone euro est passée de 17,2 % à 11,7 % (– 5,5 points) entre 2001 et 2018, cette part pour les seuls médicaments est passée de 20,8 % à 12,6 % (– 8,3 points) sur la même période.

 

Les importations de médicaments continuent d’augmenter

Les importations françaises de médicaments ont continué d’augmenter en 2022 (+5,6 %), alors qu’elles avaient déjà bondi de 14 % en 2021. Ainsi, la France a importé pour 27,9 milliards d’euros de médicaments.
Plus de 40 % de ces produits proviennent de trois pays : l’Allemagne (14,4 %), les Etats-Unis (13,4 %) et l’Irlande (12,9 %). On constate également que 9 des 10 premiers pays auprès desquels la France importe des médicaments sont des pays européens.
Les importations de médicaments en provenance de Chine représentent aujourd’hui 2,1 % de l’import de médicament par la France.

 


L’industrie pharmaceutique demeure le 4e excédent commercial de la France mais la situation se dégrade

Comme indiqué précédemment, les produits pharmaceutiques représentent toujours le 4e excédent commercial de la France, mais la situation se détériore au fil des ans.
La balance commerciale devrait être déficitaire en 2023 au regard des données déjà disponibles. En se focalisant sur la catégorie des « médicaments », le solde reste positif, bien que la tendance à la baisse perdure depuis plusieurs années.
Il est nécessaire de noter que le solde commercial est évalué en termes de valeur monétaire et non en quantité. Par conséquent, si un pays importe des médicaments coûteux et exporte des médicaments peu onéreux, son solde commercial risque de se détériorer, même si les quantités exportées surpassent celles importées. Les données relatives au nombre d’unités importées ou exportées ne sont pas disponibles.
Le Leem et le cabinet Roland Berger ont exploré ces dynamiques dans l’Observatoire de l’accès au médicament et de l’attractivité en France, en examinant les échanges commerciaux des différentes catégories de médicaments. Les résultats indiquent que les exportations de produits pharmaceutiques se concentrent principalement sur des produits chimiques matures, connaissant une diminution en 2021 pour la première fois en plusieurs années. Parallèlement, les importations de produits à forte valeur ajoutée ont connu une augmentation notable depuis 2019, notamment les vaccins en 2021, en réponse à la crise de la Covid-19.
La tendance observée est la suivante : la France exporte de moins en moins les médicaments matures qu’elle produit, tandis qu’elle importe de plus en plus de produits innovants qu’elle ne produit pas, ou en quantité insuffisante.

 


Il n’y a pas de données disponibles permettant d’établir des comparaisons internationales des dynamiques commerciales au périmètre médicament.
Néanmoins, l’EFPIA publie tous les ans des données au périmètre « produits pharmaceutiques ».
A partir de ces dernières, on constate que la France, qui était un pays leader en Europe en 2013, est aujourd’hui en perte de vitesse par rapport à ses voisins. La France, qui présentait alors le 3e solde commercial loin derrière l’Allemagne et l’Irlande, est désormais à la 9e place. Le solde commercial de produits pharmaceutiques de l’Irlande est 18 fois plus élevé que celui de la France.

Le commerce parallèle : un frein à l’attractivité

La construction de l’Union européenne est fondée sur le principe de libre circulation des personnes et des marchandises entre les pays qui la composent. Ce principe fondamental s’applique aux médicaments. L’importation parallèle intra-communautaire de médicaments trouve ses origines dans l’utilisation, par les intermédiaires commerciaux, d’une spécificité du marché intérieur européen : la coexistence de la libre circulation et du droit des Etats d’administrer le prix des médicaments remboursables.

 


Le commerce parallèle naît de l’existence de prix administrés relativement bas dans certains pays d’Europe du Sud (la Grèce, la péninsule ibérique, mais aussi la France), par rapport aux prix administrés, ou résultant d’une liberté de prix, dans d’autres pays européens.
En pratique le commerce parallèle correspond à l’achat d’un médicament par un distributeur dans un pays à prix administré faible (où le prix d’achat est encadré à ce niveau) puis à sa revente dans un pays où le prix est plus élevé (soit du fait d’un prix administré, soit du fait de la liberté tarifaire). La marge réalisée par le distributeur est ainsi augmentée de l’écart de prix existant entre le pays d’achat et le pays de revente.
Dans les Etats concernés, le commerce parallèle ne profite qu’aux intermédiaires et, exceptionnellement, aux organismes de protection sociale.
Dans les situations de faible volume de vente ou de tension d’approvisionnement, l’imprévisibilité de ces exportations parallèles complique les décisions d’allocation des stocks par les entreprises, exposant les patients du pays d’origine à des ruptures d’approvisionnement.
En 2020, le commerce parallèle européen était estimé à 6,07 milliards d’euros, sans que l’organisation de la distribution par les entreprises puisse y apporter de solutions satisfaisantes. Il demeure une préoccupation essentielle pour les laboratoires. Ainsi, en Allemagne, 3,1 milliards d’euros du chiffre d’affaires réalisé en ville provient de médicaments issus d’importation parallèle, soit 8,3 % du marché de ville.
Compte tenu des prix pratiqués en Europe, la France est essentiellement un pays d’exportation parallèle et la part des importations parallèles dans le marché français est négligeable.
Dans un contexte mondial en constante évolution, le dynamisme du commerce extérieur des médicaments en France est un enjeu majeur.

Préserver l’attractivité du secteur pharmaceutique est essentiel pour garantir l’accès aux innovations thérapeutiques, renforcer la compétitivité de l’industrie pharmaceutique française, et assurer la disponibilité des traitements nécessaires à la santé des citoyens français.