Economie
Innovation & Santé

Recherche et développement

24.01.23

Un processus indispensable à l’innovation

Depuis près de deux siècles, les médicaments génèrent des progrès thérapeutiques continus.
Ce chemin est jalonné par des innovations majeures, qui soignent et guérissent des maladies jusqu’alors incurables, et par des avancées régulières, qui permettent au médicament de gagner en efficacité, en simplicité d’utilisation ou en sécurité.
Cette innovation « incrémentale », ou progressive, a une importance médicale et économique notable. Elle est le fruit de recherches soutenues et se traduit par des bénéfices, parfois majeurs, pour les patients.
Les nombreux vaccins efficaces contre des maladies mortelles ou aux séquelles graves, les antirétroviraux contre le sida, les antiviraux d’action directe contre l’hépatite C, les immunosuppresseurs dans l’accompagnement des greffes… tous ces médicaments font gagner du terrain sur les maladies. Pour les pathologies les plus lourdes — maladies cardiovasculaires, cancers, maladies autoimmunes —, on dispose aujourd’hui de traitements qui transforment le pronostic, et les perspectives de la recherche sont nombreuses, dans des voies nouvelles.
De plus en plus, dans une orientation de médecine plus personnalisée, le principe actif devient une composante d’une solution de santé qui intègre des dispositifs et/ou programmes de suivi. Il peut nécessiter le développement de biomarqueurs compagnons pour identifier les patients réceptifs, et donner lieu à des études médico-économiques de vie réelle pour en réévaluer l’efficience.

Le cycle de vie du médicament

De 10 000 molécules criblées à 10 qui feront l’objet d’un dépôt de brevet et 1 qui parviendra à passer toutes les étapes de tests et d’essais cliniques pour devenir un médicament, le chemin de l’innovation au malade est long (douze ans en moyenne), complexe et coûteux.
En 2012, une étude * avait estimé que la mise au point d’une nouvelle molécule représentait un investissement d’environ 900 millions de dollars, et même de 1,5 milliard de dollars en tenant compte du coût du capital. En effet, les apporteurs de capitaux (les actionnaires, par exemple) attendent un certain retour sur investissement, mesuré par le taux de rentabilité attendu, et qui est assimilable au coût de l’argent nécessaire au financement des projets menés (en R&D notamment).
 
* The R&D Cost of a New Medicine, Jorge Mestre- Ferrandiz, Jon Sussex and Adrian Towse, OHE, déc. 2012.

Les coûts de R&D ont surtout augmenté ces dernières années du fait de l’enchérissement des coûts de développement. La croissance de ces derniers est estimée à plus de 10 % par an, soit plus des deux tiers des coûts de R&D.
Trois principaux facteurs expliquent cette envolée, sous la pression d’une aversion sociétale grandissante au risque :
l’enchérissement des études cliniques, lié à la complexification des protocoles : un nombre croissant d’indicateurs et de patients sont par exemple requis par les autorités d’enregistrement. Une analyse de l’association américaine PhRMA * rapporte une augmentation de 57 % des protocoles (examens biologiques, radiologiques…) par étude entre 2008 et 2013 ;
l’allongement de la durée des études (de 25 % en médiane selon cette même évaluation), particulièrement en cancérologie et pour les maladies du système nerveux central, qui nécessitent un suivi long ;
l’augmentation du taux d’échec dans les nouveaux domaines très complexes faisant aujourd’hui l’objet de recherche, comme les maladies chroniques, dégénératives ou génétiques.
L’amortissement financier de ces travaux ne peut se faire qu’au plan mondial, ce qui est compliqué par l’arrivée tardive des médicaments sur les marchés et la concurrence précoce des génériques.
Le brevet, essentiel au financement de la recherche, permet de protéger l’innovation pendant vingt ans. Il peut être prolongé pour une durée maximale de cinq ans par un certificat complémentaire de protection (CCP).
Le brevet débute dès que la molécule est identifiée. Celle-ci va ensuite subir des séries de tests précliniques et cliniques, qui s’étendent sur une dizaine d’années. Il lui restera encore à passer les étapes de l’autorisation de mise sur le marché, de l’évaluation par la commission de la transparence et de la fixation du prix du médicament lors des négociations avec le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Compte tenu de la complexité de ce processus, l’innovation ne bénéficie d’une protection commerciale effective que de dix ans en moyenne. De surcroît, un produit nouveau ne rejoint que progressivement (en deux ou trois ans) sa population cible thérapeutique, alors qu’au terme du brevet ou de la protection des données, l’arrivée des génériques est devenue très rapide.

* " Biopharmaceutical Research Industry Profile ", PhRMA, 2013.

 

 

Les étapes clés des phases de tests et de développement permettent de vérifier l’efficacité de la molécule et d’en connaître les éventuels effets secondaires. De nombreux candidats médicaments sont ainsi écartés, car ils ne présentent pas un rapport bénéfice/risque positif.
Les études précliniques et les essais cliniques sur l’homme sont les deux phases scientifiques conduites par l’entreprise pour développer le médicament. Ces études sont déclarées auprès des institutions sanitaires compétentes, qui contrôleront l’efficacité et la sécurité du médicament.
Les études précliniques
Le candidat médicament traverse tout d’abord une série de tests dits « précliniques ». Ces essais sont des passages obligés avant toute étape de test sur l’homme.
La pharmacologie expérimentale : des essais d’efficacité sont réalisés sur des systèmes moléculaires inertes, sur des cellules et cultures et, enfin, sur des modèles animaux. C’est la première preuve de concept.
La toxicologie : ces études évaluent les risques d’effets secondaires des futurs médicaments.
La pharmacocinétique et le métabolisme du médicament : ces études portent sur des propriétés pharmaceutiques de la molécule telles que l’absorption, le métabolisme, la distribution et l’élimination.
Mais elles ont aussi pour but de prouver les propriétés pharmacologiques.
Si les résultats de ces études sont positifs, le médicament entre en phase d’essai clinique sur l’homme.

Les essais cliniques
Seul 1 médicament sur 10 candidats atteindra ce stade.
Ces études se font en trois phases principales, qui doivent se dérouler selon les bonnes pratiques cliniques. Elles sont réalisées en milieu hospitalier ou en cabinet médical, sous la responsabilité de médecins experts : les investigateurs.

PHASE 1 : TOLÉRANCE OU INNOCUITÉ
Des quantités croissantes de la nouvelle molécule sont administrées à des volontaires sains, sous surveillance étroite. Cette phase permet d’évaluer les grandes lignes du profil de tolérance du produit et de son activité pharmacologique.

PHASE 2 : EFFICACITÉ DU PRODUIT SUR DE PETITES POPULATIONS ET RECHERCHE DE DOSE
Cette phase se déroule chez un petit nombre de patients hospitalisés. Il s’agit, ici, de définir la dose optimale, c’est-à-dire celle pour laquelle l’effet thérapeutique est le meilleur avec le moins d’effets secondaires. Les études de preuve du concept servent à valider une nouvelle hypothèse de traitement chez le patient.

PHASE 3 : ÉTUDES « PIVOTS »
Dans des conditions aussi proches que possible des conditions habituelles d’utilisation des traitements, l’efficacité et la sécurité sont étudiées de façon comparative au traitement de référence ou à un placebo. Cela est vérifié sur un grand groupe de malades.
Précautions d’emploi et risques d’interaction avec d’autres produits sont identifiés.
Les essais peuvent couvrir de plusieurs centaines à plusieurs milliers de patients.
Ces trois étapes, quand elles sont franchies avec succès, vont être intégrées dans le dossier qui sera présenté aux autorités sanitaires pour recevoir, avec l’approbation officielle, l’autorisation de mise sur le marché.
Le médicament sera ensuite mis à disposition des malades. Seuls les médicaments « originaux » traversent ces longues étapes. La version « générique » d’un médicament est une copie de la molécule d’origine. Elle ne repasse pas ce long cycle d’essais.

La pharmacovigilance
La sécurité du médicament est une préoccupation permanente des entreprises du médicament. Une fois le médicament dispensé aux malades, la pharmacovigilance l’accompagne pendant toute son existence et sera aussi l’objet de procédures rigoureuses.
Tout accident de santé lié à la prise de médicaments est signalé dans un délai obligatoire aux instances réglementaires. Les entreprises remettent également un rapport sur le suivi du médicament tous les six mois, pendant les deux premières années de la vie du médicament, puis tous les ans, pendant les trois années suivantes, et enfin tous les cinq ans, tant que ce dernier est commercialisé.
 

L’attractivité de la France pour la recherche clinique

Indispensables pour un accès précoce des patients aux innovations, les essais cliniques permettent également de maintenir l’expertise des professionnels de santé et l’excellence du pays en matière de recherche.
Chaque année, le Leem publie un état des lieux pour connaître la position de la France dans la compétition internationale qui s’exerce en matière de recherche clinique.
Pour cette 11e édition de l’enquête attractivité, les résultats sont encourageants.

La France revient dans le top 3 européen…
Avec une participation à 319 essais cliniques, soit 11 % des essais mondiaux promus par les entreprises du médicament, la France retrouve le 3e rang européen qu’elle avait perdu en 2015.
L’Allemagne et le Royaume-Uni reculent d’une place au profit respectivement de l’Espagne et de la France.
Cette dernière conserve sa 2e position en oncologie (15 % de participation aux essais mondiaux) et se classe 4e pour les phases précoces (5 % de participation). Elle se positionne au 4e rang européen pour les essais cliniques sur la Covid-19, portant sur des traitements préventifs ou thérapeutiques.
Plus précisément, les domaines thérapeutiques clés dans l’Hexagone sont : l’oncologie (46 % des essais cliniques), les maladies rares (20 %), les maladies du système immunitaire (9 %) et les médicaments de thérapie innovante (MTI), qui représentent 8 % des essais.
La pandémie a évidemment freiné le démarrage des essais dits « hors Covid » : 236 jours (versus 204 jours en 2018-2019) ont été nécessaires pour inclure un premier patient
sur le territoire à l’issue des étapes d’autorisation, contractualisation et organisation des centres.
En revanche, les délais pour mettre en place des essais « Covid-19 » ont considérablement diminué, puisqu’il faut compter entre trois et cinq semaines pour inclure les premiers patients.

… mais l’Europe est dépassée par l’Asie
Malgré le contexte particulier de 2020, les industriels ont lancé 2 972 nouveaux essais cliniques à travers le monde.
Parmi eux, 246 portaient sur la Covid-19, principalement des essais de phases 2 et 3 (75 %), à visée thérapeutique (94 %).
Si, globalement, l’activité de recherche clinique s’est maintenue, la dynamique au sein des grandes régions du monde est modifiée : l’Amérique du Nord maintient son 1er rang, mais l’Europe recule de la deuxième à la troisième position au profit de l’Asie. Sur l’année 2020, l’Amérique du Nord (53 % versus 57 %), l’Europe (38 % versus 44 %), l’Amérique du Sud et l’Afrique connaissent une baisse d’activité alors que l’Asie (39 % versus 35 %) et l’Australie (13 % versus 12 %) progressent.

Un virage en 2022
L’entrée en vigueur du règlement européen sur la recherche clinique devrait avoir pour conséquence de rendre l’Europe plus compétitive, mais la compétition avec les autres régions du monde, et particulièrement l’Asie, restera importante. Au sein même de l’Europe, la France porte l’ambition d’être encore plus compétitive et le plan Innovation Santé 2030, annoncé par le président de la République en juin 2021, doit y contribuer.

 

 

Le développement de milliers de nouveaux médicaments au cours des cinquante dernières années a été financé par les entreprises du médicament et par leur capacité à accroître leurs dépenses de R&D.
L’innovation thérapeutique présente à la fois un coût élevé et un risque financier majeur : le temps nécessaire à la recherche mobilise d’importants capitaux sur une longue période, pour un résultat incertain. Peu de médicaments génèrent des gains suffisants pour couvrir l’ensemble des coûts de recherche et de développement engagés.
En outre, les entreprises ne peuvent compter que sur un nombre limité de médicaments pour financer leur R&D future. La diversification du portefeuille de produits des entreprises permet de minimiser le risque associé à chaque médicament. Ce phénomène explique les rapprochements récents, grâce auxquels les entreprises réalisent des économies d’échelle.
Aujourd’hui, la protection des molécules par un brevet est l’une des garanties du financement de la recherche future, donc du développement de nouveaux médicaments vitaux, au meilleur rapport coût/efficacité.

Les dépenses de R&D représentent 9,8% du chiffre d’affaires des entreprises du médicament en France

En 2017, le secteur pharmaceutique et celui des biotechnologies maintiennent leur place de leader en termes d’investissements en R&D (source : suivi des investissements en R&D industrielle par la Commission européenne). Parmi les 30 premiers groupes investissant le plus en R&D, 10 sont des entreprises pharmaceutiques.

 

 

Une recherche académique puissante, un maillage de collaborations efficaces et des moyens croissants : telles sont les conditions du développement du processus d’innovation en France.
Mettre en place les conditions d’attractivité pour réussir le développement de la recherche et des projets industriels sur le médicament est un enjeu crucial pour notre pays. De fait, un effort particulier a été conduit en France depuis 2009, avec l’autonomie des universités, la coordination de la recherche publique (Aviesan), les investissements d’avenir et le crédit impôt recherche.

Un effort de recherche majeur, autofinancé par les entreprises

L’industrie du médicament est l’un des secteurs économiques dont l’effort de recherche est le plus important. Le budget total consacré à la recherche est certes inférieur, en valeur absolue, à ceux de l’automobile et de la construction aéronautique et spatiale, mais il représente 10 % du chiffre d’affaires des entreprises du médicament en 2017, contre seulement 4,8 % pour l’automobile.
Le budget total de la R&D pour le secteur de l’industrie pharmaceutique est d’environ 4,5 milliards d’euros, dont 47 millions d’euros de fonds publics, soit 1 % de l’effort de R&D.

 

 

 

En 2019, 17 155 personnes sont employées à la recherche et au développement en France dans les entreprises du médicament. Ces données minorent cependant la réalité : les emplois publics à l’université ou en contrat de recherche, financés dans le cadre de partenariats public/privé, ne sont pas pris en compte.

 

 

Le progrès thérapeutique 2021

En 2021, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a reçu au total 116 demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et a recommandé des AMM pour 92 médicaments (versus 98 en 2020), dont 54 concernaient de nouvelles substances actives (SA) jamais autorisées en Europe (versus 39 en 2020).
Ces nouvelles demandes se concentrent principalement sur 17 aires thérapeutiques.
Le domaine de la cancérologie occupe de loin la première place du classement, avec 20 médicaments en Europe dont 12 nouvelles SA.
Arrivent ensuite les médicaments liés à :
• la neurologie (13 dont 5 nouvelles SA) ;
• l’hématologie (8 dont 5 nouvelles SA) ;
• l’immunologie (8 dont 3 nouvelles SA) ;
• l’endocrinologie (8 dont 3 nouvelles SA) ;
• la Covid-19 (7, tous avec de nouvelles SA)
et dans 11 autres domaines.

Notons que 71 % (versus 70 % en 2020) des dossiers d’AMM ayant reçu une opinion positive du Comité des médicaments à usage humain (CHMP), comité chargé de l’évaluation des médicaments au sein de l’EMA, ont fait l’objet d’une demande d’un avis scientifique à l’EMA au cours de leur développement.

 

 

L’essentiel

11,5 ans

Délai moyen d'accès au marché d'un nouveau médicament.

2ème

Rang mondial de la France en nombre d'essais cliniques en lien avec la Covid-19.

9,8 %

Part du chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques en France consacré à la R&D en 2017,
soit 4,5 Milliards d'euros

17 155

Effectifs de R&D
dans les entreprises du médicament en 2019.