Economie

Prix, résultats et fiscalité des entreprises

19.02.24

Le médicament : un secteur dont les prix sont administrés

La fixation du prix

Les médicaments pris en charge par l’Assurance maladie sont soumis à une réglementation prévue par le Code de la Sécurité  sociale.
Les prix sont ainsi régulés pour les médicaments remboursables de ville, les médicaments de la liste en sus et les médicaments rétrocédables.
Les prix fabricants hors taxes (PFHT) de ces médicaments sont fixés par convention entre le laboratoire et le Comité économique des produits de santé (CEPS), représentant l’Etat, ou, à défaut, par une décision du CEPS publiée par arrêté ministériel.
En 2021, les médicaments régulés représentent plus de 94 % du chiffre d’affaires France de l’industrie du médicament.
L’accord-cadre conclu entre le Leem et le CEPS, dont le premier fut signé en janvier 1994, constitue l’un des outils essentiels de la tarification des médicaments, et montre la priorité donnée aux relations conventionnelles entre les autorités et les industriels.

L’accord-cadre Leem-CEPS du 5 mars 2021

Le 5 mars 2021, le Leem et le CEPS ont signé un nouvel accord-cadre pour une durée de trois ans (2021-2024). Celui-ci a renouvelé et adapté aux nouvelles problématiques les règles conventionnelles de fixation et de régulation des prix des médicaments.
Les parties prenantes ont recherché cinq objectifs principaux : accélérer les délais, favoriser l’accès des patients à l’innovation, stimuler les investissements et les exportations, favoriser l’offre des médicaments répondant à un besoin particulier, et renforcer la transparence.
➞ Accélérer les délais
Dans l’objectif de permettre l’accélération des délais de négociation de prix, l’accord-cadre de 2021 a clarifié les modalités d’élaboration du coût de référence servant à l’élaboration des conditions de prix.
L’accord-cadre prévoit en outre trois situations pouvant conduire à une négociation accélérée, dites « fast track », ainsi qu’une expérimentation permettant un arbitrage du président du CEPS.

Favoriser l’accès à l’innovation
L’enjeu de l’accès à l’innovation est pris en compte dans l’accord-cadre du 5 mars 2021 à travers la rénovation des mesures de garantie de prix européen et de stabilité et prévisibilité des prix durant les premières années de commercialisation. Désormais, l’accord-cadre dispose en outre de sections dédiées à la tarification en situation d’incertitude (contrats de gestion de l’incertitude) et aux médicaments de thérapie innovante (thérapies géniques, cellulaires ou issues de l’ingénierie tissulaire).
Un avenant à l’accord-cadre, signé en avril 2022, est également venu rénover les dispositions de tarification des médicaments orphelins.

➞ Stimuler les investissements et les exportations
Créé en 2021, un chapitre de l’accord-cadre est dédié aux mesures d’attractivité encourageant les investissements en production industrielle, solutions numériques, recherche et développement, sur le territoire européen et notamment en France.
Ce chapitre vise entre autres à favoriser les échanges entre les industriels et le CEPS dans le cadre d’un projet d’investissement, dans le but de favoriser la relocalisation (ou la localisation) de la production en Europe et notamment en France. Diverses dispositions visent également à valoriser les exportations et à prendre en compte la situation particulière des produits fortement exportés dans la tarification des médicaments.
L’obtention d’avoirs sur remises au titre du guichet du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) a en outre été rénovée dans l’avenant à l’accord-cadre signé le 21 juillet 2022. Depuis cette date, il est désormais possible d’obtenir des avoirs sur remises dans le cadre de projets d’investissements et non plus uniquement dans le cadre d’investissements déjà réalisés.
Note : les avoirs sur remises permettent de diminuer le montant des remises dues par les entreprises au titre de conventions avec le CEPS (remises produits ou remises liées à la clause de sauvegarde).

➞ Favoriser l’offre des médicaments répondant à un besoin particulier
Plusieurs dispositions sont destinées à maintenir une offre suffisante de médicaments dans un objectif de santé publique : l’accès à un prix européen pour certains médicaments apportant un progrès incrémental (ASMR IV) mais répondant à un besoin de santé publique, la possibilité d’obtenir une hausse de prix pour tout ou partie d’une classe thérapeutique présentant, du fait de ses coûts de production, des difficultés d’approvisionnement, ou encore la stabilité des prix des médicaments ayant obtenu une ASMR V durant les trois premières années de leur commercialisation.

➞ Renforcer la transparence
Enfin, différentes mesures mises en œuvre depuis 2021 visent à simplifier la gouvernance de la vie conventionnelle, à réaffirmer la volonté commune des parties de renforcer la politique conventionnelle. Les dispositions législatives relatives à la transparence des investissements publics en recherche et développement trouvent également leur traduction dans l’accord-cadre afin d’en permettre l’opérationnalisation.
 

Fixation du prix des médicaments inscrits au répertoire générique

L’accord-cadre entre le Leem et le CEPS prévoit les modalités de fixation et de régulation des prix des médicaments inscrits au répertoire des médicaments génériques.
En ville, le prix fabricant hors taxes (PFHT) des médicaments génériques est fixé en décote de 60 % par rapport au prix du médicament princeps.
Ce dernier est ensuite diminué de 20 % lors de la commercialisation du générique.
A l’issue de dix-huit ou de vingt-quatre mois d’exploitation, et en fonction du taux de pénétration (prise de part de marché) des médicaments génériques, le CEPS décide soit la mise en œuvre d’un tarif forfaitaire de responsabilité (TFR, c’est-à-dire l’alignement des bases de remboursement par l’Assurance maladie pour l’ensemble du groupe générique : princeps + génériques pour une DCI, un dosage et une forme galénique), soit une baisse différenciée des prix du princeps (– 12,5 %) et des génériques (– 7 %).
A l’hôpital (médicaments de rétrocession et médicaments de la liste en sus), une décote identique, de 40 %, est appliquée au princeps et au générique par rapport au prix du médicament princeps avant la commercialisation du premier générique.
 

Fixation du prix des médicaments inscrits sur la liste de référence des groupes biologiques similaires

Un médicament biologique similaire (biosimilaire) est semblable à un médicament biologique de référence (bioréférent), en ce qu’il a des caractéristiques de tolérance, de sécurité et d’efficacité clinique proches du produit de référence. Contrairement à un médicament générique, un médicament biosimilaire n’est pas strictement identique au produit biologique de référence.
En ville, lorsqu’un biosimilaire arrive sur le marché, son PFHT est fixé en décote de 40 % du PFHT de son bioréférent, qui lui-même subit une baisse de prix de 20 %. A 24 mois et à 48 mois, les PFHT du bioréférent et du biosimilaire peuvent être baissés par le CEPS en fonction de la pénétration du biosimilaire sur le marché. A 60 mois, le CEPS peut faire converger le prix du bioréférent
vers celui du biosimilaire.
A l’hôpital (médicaments de rétrocession et médicaments de la liste en sus), une décote identique, de 30 %, est appliquée au bioréférent et au biosimilaire par rapport au prix du médicament de référence avant la commercialisation du premier biosimilaire.
 

Le prix du médicament : une base de la rémunération pour les autres acteurs (grossistes-répartiteurs et pharmaciens d’officine)

La rémunération des grossistes-répartiteurs et des pharmaciens d’officine s’appuie notamment sur une marge réglementée, ajoutée au PFHT des médicaments remboursables. Cette marge est fixée par arrêté.
Depuis le 1er février 2021, le taux de marge est fixé à 6,93 % du PFHT, avec un minimum de 30 centimes d’euros et un maximum de 32,50 euros par boîte.
Afin d’encourager la pénétration des médicaments génériques, la marge officinale, pour les médicaments génériques (hors mise en œuvre d’un TFR) est calculée sur la base du prix du princeps : en valeur absolue, le pharmacien gagne la même marge qu’il vende le princeps ou le générique.
D’après la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), alors que la marge réglementée représentait 81 % de la rémunération en 2014, celle-ci n’était que 26 % en 2019.
Entre janvier 2018 et janvier 2020, trois modifications successives de la marge dégressive lissée ont été opérées, avec en parallèle la mise en place de plusieurs honoraires de dispensation (pour médicaments spécifiques, liés à l’âge...), en plus de l’honoraire à la boîte de 1,02 euro TTC.

Cette diversification de la rémunération des pharmaciens d’officine par l’Assurance maladie a pour objectif de la décorréler du prix des médicaments, et notamment de diminuer l’impact des campagnes de baisse de prix sur cette rémunération.
Pour la marge officinale, l’arrêté du 12 novembre 2018 en a précisé le calcul :
• Pour la partie du PFHT comprise entre 0 et 1,91 € : 10 % de marge.
• Pour la partie du PFHT comprise entre 1,92 et 22,90 € : 7 % de marge.
• Pour la partie du PFHT comprise entre 22,91 et 150 € : 5,5 % de marge.
• Pour la partie du PFHT comprise entre 150,01 et 1 930 € : 5 % de marge.
• Pour la partie du PFHT supérieure à 1 930 € : 0 % de marge.

L’arrêté du 15 octobre 2021 a supprimé la marge particulière pour les conditionnements trimestriels. Pour ces derniers, le calcul de la marge pharmacien s’effectue selon les mêmes modalités que les conditionnements mensuels.

Le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliqué sur les médicaments remboursables est de 2,1 %.
Les marges des grossistes et des pharmaciens d’officine, ainsi que la TVA, s’ajoutent au PFHT pour former le prix public toutes taxes comprises (PPTTC) du médicament, facturé au patient et base du remboursement par l’Assurance maladie.
Les laboratoires pharmaceutiques ou les grossistes-répartiteurs peuvent accorder des avantages commerciaux aux pharmaciens d’officine via la mise en œuvre de remises encadrées par la loi. Ainsi, les remises accordées aux pharmaciens par les grossistes-répartiteurs ou les laboratoires sont plafonnées à 2,5 % du prix de vente aux pharmaciens pour les médicaments non génériques, et à 40 % du PFHT pour les médicaments génériques et les médicaments sous TFR.

En 2022, 62,9 % du chiffre d’affaires — exprimé en prix public — des médicaments remboursables vendus par l’officine est revenu au fabricant.
La part de la rémunération des pharmaciens dans la décomposition moyenne du chiffre d’affaires des médicaments remboursables est, quant à elle, de 14,2 %.
Comme précisé plus haut, ils perçoivent plusieurs honoraires, dont un honoraire de dispensation pour chaque boîte vendue.
Ces honoraires n’entrent pas dans le calcul du prix public TTC du médicament, et ne sont donc pas comptabilisés dans la décomposition moyenne du chiffre d’affaires des médicaments remboursables. Ils ne représentent qu’une partie des revenus des pharmacies d’officine.

 


Les médicaments non remboursables

Les prix des médicaments non remboursables (par l’Assurance maladie) auprès des pharmaciens d’officine (PFHT) sont fixés librement par les fabricants depuis le 1er juillet 1986. Le pharmacien d’officine fixe ensuite librement le prix de vente au public (PTTC) de ces mêmes médicaments non remboursables.
Depuis 2008, un accord de bonnes pratiques de gestion du prix des médicaments en libre accès en officine entre les syndicats de pharmaciens d’officine et les industriels, via l’Association française pour une automédication responsable (Afipa), prévoit deux engagements : prendre en compte dans les niveaux de prix l’accessibilité à ces médicaments pour tous, et offrir des conditions commerciales transparentes, dans le sens des principes de la loi Chatel pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
La rémunération de la distribution des médicaments non remboursables est libre et le taux de TVA applicable est de 10 % depuis le 1
er janvier 2014.
Cette catégorie de produits représente 5,56 % du chiffre d’affaires France de l’industrie du médicament opérant en France en 2021.

Les médicaments vendus aux hôpitaux

Les médicaments vendus aux hôpitaux sont soumis à une réglementation prévue par le Code de la santé publique (agrément aux collectivités).
Depuis 1987, leurs prix sont libres et les achats par les établissements publics de santé sont régis par le Code des marchés publics. La prise en charge de ces médicaments par la solidarité nationale repose sur le principe de la tarification à l’activité dite T2A.
Cependant, depuis 2020, les ministres chargés de la santé et de la Sécurité sociale peuvent fixer par arrêté un prix maximal de vente aux établissements pour ces médicaments, en cas de risque de dépense injustifiée ou dans le cas de produits présentant un caractère particulièrement coûteux pour les établissements.
Cette liberté de prix ne s’applique pas, en revanche, aux médicaments rétrocédables ni aux médicaments dits « innovants et coûteux » qui sont financés au titre de la liste en sus.
Les modalités de déclaration de prix de ces deux catégories de médicaments sont définies dans l’accord-cadre signé entre l’Etat et le Leem. Cette part représente approximativement 80 % du marché hospitalier d’après le rapport annuel du CEPS.
Dans ses vœux aux soignants, le 6 janvier 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, a appelé à sortir du système de tarification à l’activité. Ainsi, le financement des médicaments à l’hôpital pourrait évoluer prochainement.

Alors que le coût de la vie augmente, le prix des médicaments ne cesse de reculer

Entre 2000 et 2022, l’indice du coût de la vie a augmenté de 40 %, tandis que celui des prix publics des médicaments (remboursables et non remboursables) a diminué de 43 %.
Le contrôle des prix pèse lourdement sur les médicaments remboursables anciens, dont le prix fabricant baisse régulièrement.
L’indice Insee des prix publics des médicaments contient deux sous-indices, dont les évolutions sont très contrastées : l’indice des spécialités remboursables (environ 92 % du marché) et l’indice des spécialités non remboursables (environ 7,5 %).
Entre 2000 et 2022, les prix publics des médicaments remboursables ont chuté de 49 %. Ce recul est dû à la fois à la politique de réduction des prix mise en place par le CEPS et à l’évolution de la structure du marché des médicaments remboursables, avec une prédominance croissante des médicaments génériques.
A l’inverse, les prix publics des médicaments non remboursables, bénéficiant de la liberté tarifaire, ont connu une augmentation plus rapide que le coût de la vie au cours de cette période.
Par effet structure, c’est-à-dire du fait de l’arrivée d’innovations thérapeutiques majeures, les prix des médicaments hospitaliers (liste en sus et rétrocession) ont connu une évolution positive ces dernières années. Une telle évolution apparaît cohérente au regard de l’apport thérapeutique constaté, comme le montre une étude menée en 2018 par le Leem en partenariat avec le cabinet Heva, concernant l’évolution des prix de 42 molécules anticancéreuses de la liste en sus entre 2010 et 2016.

Il en ressort que :
• la part budgétaire des traitements anticancéreux financés en sus des prestations d’hospitalisation a été la même en 2016 qu’en 2010 ;
• le prix moyen pondéré est resté stable (12 318 euros) depuis 2012 ;
• le prix à l’entrée sur le marché (18 658 euros) a crû sensiblement, du fait de l’augmentation du nombre d’innovations et la diminution des populations cibles.

 

Le prix des médicaments : un enjeu européen

Parmi les multiples éléments qui influent sur le prix des médicaments figure la comparaison aux autres pays européens qui s’accentue depuis plusieurs années.
Ainsi, l’accord-cadre entre le CEPS et le Leem prévoit, pour les médicaments très innovants (ASMR I à III et ASMR IV sous certaines conditions), des garanties de prix facial appuyées sur les prix constatés dans quatre pays européens (Allemagne, Italie, Espagne et Royaume-Uni). Ces garanties de prix ne préjugent pas du niveau de remises applicables.
A noter que les niveaux de prix constatés dans les pays européens cités ci-dessus peuvent également, de par la loi, fonder une demande de baisse de prix pour l’ensemble des médicaments.
Cependant, la crise de la Covid-19 et les tensions d’approvisionnement de ces dernières années ont rappelé le caractère essentiel de certains médicaments ayant une faible ASMR. L’ANSM a ainsi publié une liste de molécules essentielles en juin 2023.
Cette liste a été élaborée avec l’appui de différentes sociétés savantes. 40 % des médicaments de cette liste ont fait l’objet de déclarations de rupture au cours des deux dernières années.
Dans une étude réalisée par Simon-Kucher & Partner pour le Leem, il est constaté qu’en comparant les dénominations communes internationales (DCI) entre différents pays européens comparables, une même tendance se dégage : la France affiche les prix les plus bas, que ce soit en prix unitaire moyen ou médian.
Ainsi, les spécialités essentielles en France ont des prix entre 15 et 30 % plus bas que les autres pays européens comparés.
 

Le prix d'un médicament ne peut pas être établi selon une approche analytique

Le médicament est avant tout le fruit d’un long, risqué et coûteux parcours de recherche et développement.
Sa valeur est évolutive tout au long de son cycle de vie.
Le médicament n’est pas un produit fini, figé, dont le prix serait réductible à l’ensemble des coûts qui le composent (coûts de production, coûts de recherche et développement…) auxquels serait ajoutée une marge pour l’industriel.
Trois raisons s’opposent à une construction analytique du prix déterminée par pays et par médicament :
– les principaux composants du coût d’un médicament ne sont pas appréciables par produit,
– les principaux composants du coût d’un médicament ne sont pas appréciables par pays,
– les coûts et les revenus du médicament ne sont pas corrélés dans le temps.

Si les coûts de production ou de promotion sont faciles à déterminer par médicament, les investissements réalisés par les industriels en matière de recherche et développement s’inscrivent le plus souvent dans des logiques de portefeuille de produits. Il est donc quasiment impossible de les individualiser par médicament.
De même, lorsqu’un grand laboratoire rachète le fruit de la recherche d’une start-up de biotechnologie, son investissement porte sur un pipeline de plusieurs molécules duquel il n’est pas facile d’isoler, à ce stade, celles qui donneront lieu à un médicament commercialisé.
De plus, les investissements en recherche et développement sont réalisés à l’échelle mondiale, ce qui rend extrêmement difficile le calcul qui consisterait à rapporter à un pays donné un coût déterminé de recherche et développement.
Enfin, les coûts, de R&D principalement, et les revenus censés servir à les financer sont déconnectés dans le temps. L’approche consistant à rétribuer le médicament sur la base des investissements qui, dix ans plus tôt, ont prévalu à sa découverte et à son développement n’est qu’une illusion théorique.
Le prix du médicament  ’aujourd’hui ne sert pas à amortir les coûts de sa recherche et de son développement.
Il sert à financer le médicament de demain.

La France en perte de vitesse : son attractivité baisse face à celle de ses voisins européens

L’excédent brut d’exploitation (EBE) d’une branche d’activité permet de visualiser la rentabilité dégagée par un secteur (elle est égale à la valeur ajoutée, diminuée de la rémunération des salariés, des autres impôts sur la production et augmentée des subventions d’exploitation). Le ratio EBE/CA, appelé marge d’EBE, permet d’apprécier la rentabilité d’un secteur.

 

Avec un ratio EBE/chiffre d’affaires de l’ordre de 10 % en 2021, l’industrie pharmaceutique française affiche ainsi un taux de rentabilité inférieur à celui observé dans des pays comparables comme l’Italie (19,4 %), l’Espagne (14,4 %) ou l’Allemagne (12,7 %).
Alors que la compétition dans l’industrie mondiale du médicament est intense, l’attractivité de la France est notamment affectée par le poids très élevé des taxes et prélèvements spécifiques au secteur pharmaceutique. Malgré différents dispositifs fiscaux incitatifs — notamment le crédit d’impôt recherche (CIR) —, cette situation constitue un frein à l’investissement en France par les groupes internationaux.

 


Pour la huitième fois depuis 2012, le cabinet PwC Société d’Avocats a réalisé à la demande du Leem une étude de la fiscalité pesant sur les entreprises du secteur pharmaceutique.
Cette étude chiffrée compare la charge globale d’impôts (charges générales et sectorielles) qui pèse sur les laboratoires pharmaceutiques en France et dans les principaux pays européens, en fonction des grands profils d’entreprises du secteur.
La mise à jour 2023 de l’étude s’inscrit dans la continuité des années précédentes, tout en approfondissant certains aspects clés pour le secteur.
La clause de sauvegarde et les dispositifs similaires propres à l’industrie pharmaceutique dans les autres pays concernés ont été inclus dans les estimations chiffrées.
Le caractère systématique et les montants très significatifs justifient ce changement de méthodologie.
Par ailleurs, les profils d’entreprises étudiés (entrepreneur, fabricant-distributeur et distributeur de routine) ont été affinés afin de distinguer le cas d’une entreprise dont le chiffre d’affaires est en croissance par rapport à celui d’une entreprise aux revenus stables. Cette segmentation supplémentaire permet de mesurer l’impact des nouvelles modalités de répartition de la clause de sauvegarde, et accessoirement d’appliquer pleinement la contribution sur les ventes directes.
Cette nouvelle analyse 2023 confirme que la France se place en tête des prélèvements fiscaux par rapport aux six pays voisins étudiés (Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Irlande, Espagne et Suisse). Le poids des prélèvements opérés en France (fiscalité générale, prélèvements sectoriels et régulation économique) est ainsi sensiblement plus élevé, quels que soient les cas de figure et le profil d’entreprise retenu.
A titre d’exemple, pour une entreprise correspondant au profil « entrepreneur » au chiffre d’affaires stable, le poids global des prélèvements représente 60 % du résultat avant impôts en France, soit un écart minimum de 9 points avec le Royaume-Uni (taux global de 51 %) et un écart maximal de 49 points avec la Suisse (taux global de 11 %).

 


Concernant plus particulièrement l’impact de la clause de sauvegarde en France :
• son montant très significatif entraîne une baisse importante des marges pour l’ensemble des profils types, et ce malgré le rehaussement du seuil de déclenchement M au titre de 2023 ;
• son poids ne tient pas compte de la profitabilité des entreprises, puisque son calcul et sa répartition se font sur la base du chiffre d’affaires (hors critère de profitabilité) ;
• le surplus de contribution M qui pèse spécifiquement sur les entreprises en croissance baisse leur taux de marge et induit l’affaiblissement de leur capacité d’investissement.
Ainsi, le poids exponentiel des prélèvements spécifiques au secteur pharmaceutique annule largement l’impact positif des efforts consentis depuis plusieurs années en France sur la fiscalité générale.

Parallèlement, un durcissement des mesures de régulation économique est observé dans plusieurs pays voisins, en particulier en Allemagne, en Italie, en Irlande et au Royaume-Uni.
Néanmoins, les prélèvements équivalents dans ces pays, qu’il s’agisse de remises individuelles et/ou de régulation collective, n’atteignent jamais les mêmes niveaux qu’en France et n’obèrent pas les marges des entreprises locales dans les mêmes proportions.
Dans un tel contexte, le crédit d’impôt recherche (CIR) français reste un dispositif attractif essentiel pour l’industrie bien qu’il ne suffise plus à contrebalancer la hausse bien supérieure du coût des mesures de régulation économique.
En outre, la dégradation de la situation fiscale de la France pour les entreprises du secteur pharmaceutique est d’autant plus préoccupante si l’on considère la dynamique de convergence de la fiscalité générale à l’œuvre en Europe et dans le monde.
Dans ce contexte européen et mondial de convergence fiscale, le poids des prélèvements sectoriels devient un indicateur d’attractivité d’autant plus important pour les entreprises du secteur pharmaceutique, et donc un facteur primordial de compétitivité entre les Etats.

 

 

L’essentiel

20 %

Baisse de prix appliquée au princeps à l'arrivée du 1er générique.

62,9 %

Part du CA exprimé en prix public des médicaments remboursables de ville revenant aux entreprises du médicament en 2022.

49 %

Baisse de prix des médicaments remboursables entre 2000 et 2022, alors que le coût de la vie a augmenté de 40% sur la même période.

10 %

Excédent brut d'exploitation (EBE) rapporté au CA du secteur pharmaceutique en 2021.

25,7 %

Part des prélèvements dans le CA taxable de l'industrie pharmaceutique, s'ajoutant à l'impôt sur les sociétés en 2022 (en incluant la clause de sauvegarde).


Parmi ses voisins européens, la France est le pays qui présente le taux de prélèvements sectoriels global le plus élevé.