Innovation & Santé

L'immunothérapie

26.04.19
Le système immunitaire défend le corps contre les infections et les maladies.

De quoi parle t-on ?

Le système immunitaire est composé de cellules (lymphocytes, phagocytes...) et d'organes (moelle osseuse, thymus, système lymphatique.) qui travaillent ensemble pour protéger l'organisme et lui permettre de se défendre contre tous les pathogènes externes.

Immunothérapie

 

► Les lymphocytes jouent un rôle clé dans la réaction immunitaire : ce sont des globules blancs présents dans le sang et le système lymphatique.

Les lymphocytes T détruisent les cellules endommagées et infectées présentes dans le corps et fournissent aux cellules B des facteurs leur permettant de proliférer et de fabriquer des anticorps.
Ces cellules reconnaissent et détruisent les cellules cancéreuses ou les cellules infectées par des pathogènes intracellulaires (virus, bactéries...).
Elles développent une réponse plus intense contre des cellules tumorales ou infectées qu'elles ont déjà rencontrées ("mémoire" immunitaire).

Les lymphocytes B peuvent se transformer en plasmocytes pour fabriquer des anticorps aidant à combattre les infections et les maladies.
Comme les lymphocytes T, les lymphocytes B peuvent aussi se rappeler des types d'infections et de maladies que le corps a déjà combattues. Si le même germe entre dans le corps, les lymphocytes B peuvent rapidement produire plus d'anticorps pour aider à le combattre.

Les anticorps sont des protéines fabriquées par les lymphocytes B qui circulent dans le sang.
Ils combattent les infections et les tumeurs en se liant à des antigènes exprimés par des agents infectieux, puis en activant des mécanismes conduisant à l'élimination de ces derniers.
Chaque anticorps est fabriqué pour reconnaître un antigène spécifique.
 

► Cancer et système immunitaire

Les quelque 100 000 milliards de cellules qui composent notre organisme se répliquent sans cesse. Quelques-unes, en se répliquant, subissent des mutations de parties de leur ADN.
Certaines de ces mutations modifient la "mortalité" naturelle des cellules concernées, aboutissant à une multiplication anarchique de ces cellules non fonctionnelles, non attachées à la fonction de l'organe qu'elles composent, formant ainsi un cancer.
La cancérisation peut conduire à l'expression d'antigènes détectés par le système immunitaire, et notamment les lymphocytes T.
 

►L'immunothérapie est un traitement qui stimule une réponse immunitaire contre le cancer. Elle peut être utilisée à chacune des étapes du cycle de l'immunité du cancer, qui en comporte sept.

Lorsque chaque étape se déroule normalement, le système immunitaire du patient parvient à lutter efficacement contre le cancer.
Mais si l'une des étapes connaît un dysfonctionnement, le cancer peut alors se développer hors de toute atteinte du système immunitaire.

sept étapes clés immunothérapie

 

Le système immunitaire chargé de lutter contre les attaques du cancer peut se montrer très efficace en détruisant systématiquement les cellules cancéreuses, moins efficace en parvenant tout de même à empêcher le cancer de prendre le dessus ou se laisser déborder par les cellules cancéreuses.

Les immunothérapies sont conçues pour corriger les défauts du système immunitaire et le ramener à un niveau d'immuno-équilibre, une sorte de pacte de non-agression avec le cancer que les chercheurs espèrent faire durer le plus longtemps possible.
 

Première étape : libération des antigènes. La cellule cancéreuse libère dans l'environnement de la tumeur ses protéines étrangères, les antigènes tumoraux.
Deuxième étape : présentation des antigènes. A l'intérieur des ganglions lymphatiques, les lymphocytes T, reconnaissent les antigènes tumoraux.
Troisième étape : activation des lymphocytes. Les antigènes activent les lymphocytes T dans les ganglions lymphatiques.
Quatrième étape : migration des lymphocytes. Les lymphocytes T migrent dans les vaisseaux sanguins vers la périphérie de la tumeur.
Cinquième étape : infiltration des lymphocytes dans la tumeur.
Sixième étape : fixation aux cellules de la tumeur. Une fois dans la tumeur, les lymphocytes se lient aux cellules cancéreuses
Septième étape : destruction des cellules cancéreuses.


Puis le cycle recommence : les cellules cancéreuses qui sont en train de mourir libèrent des antigènes, qui activent des lymphocytes...
Chaque cycle accompli renforce la réponse immunitaire.
Les recherches en immunothérapie du cancer ciblent ces différentes étapes de façon à réveiller le système immunitaire.

 

Ce qui se profile d'ici 2030

En concevant des médicaments ou des associations de médicaments capables de soigner de nombreux cancers, même métastasés, l'immunothérapie permet une extension du domaine de la lutte contre cette maladie.

Les dernières recherches montrent qu'une même immunothérapie peut conduire à la diminution de la taille des tumeurs, voire à leur disparition, dans un grand nombre de cancers.
Les processus biologiques de l'immunothérapie ne sont donc pas spécifiques à un ou deux types de cancers, mais se vérifient dans tous les cancers.
Pour autant, cela ne veut pas dire que l'on parviendra à restaurer une immunité anti-tumorale durable chez tous les patients.
Mais quel que soit le type de cancer, il y a une chance de réponse.
L'enjeu est d'augmenter cette dernière.

Certains anticorps permettant de réactiver l'activité antitumorale des lymphocytes T se sont montrés efficaces contre le mélanome métastatique et certains types de cancers (poumon, prostate, rein ou vessie). Des études montrent que l'activité de ces médicaments pourrait être efficace pour traiter d'autres types de cancers : mésothélium (dit cancer de l'amiante) cancers ORL, de la peau, des ovaires, de la thyroïde...
Plusieurs pistes d'immunothérapies sont à l'étude dans le domaine des cancers digestifs (cancer de l'estomac, colorectal...), dont les tumeurs présentent un grand nombre de mutations, susceptibles de provoquer une réaction immunitaire.

L'immunothérapie n'est pas réservée au seul traitement du cancer.
Elle est utilisée pour stimuler le système immunitaire contre divers agents infectieux, notamment chez les patients à l'immunité affaiblie (HIV, patients après chimiothérapie ou radiothérapie).
Elle peut être aussi utilisée pour traiter les déséquilibres du système immunitaire dans le cas de maladies comme le lupus, la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques...
L'objectif est est de bloquer les réponses immunitaires en complément de traitements immunosuppresseurs classiques.

 

Ce qui est en cours

De nombreuses approches sont en cours de développement : 1 375 essais cliniques en immunothérapie anti-cancéreuse sont répertoriés sur le site www.clinicaltrials.gov.
L'objectif de cette recherche clinique est d'obtenir une réponse immunitaire ciblant les cellules cancéreuses.

Au cours de l'étape 5, par exemple, celle de l'infiltration, les cellules tumorales peuvent créer une barrière physique et/ou chimique empêchant leur infiltration par les cellules immunitaires. Un médicament, déjà autorisé en cancérologie, parvient à casser cette barrière. Les cellules immunitaires peuvent alors pénétrer dans la tumeur et combattre les cellules cancéreuses.

Lors de la dernière étape du cycle, l'étape 7, celle où les cellules immunitaires détruisent les cellules cancéreuses, les protéines PD-L1 et CTLA-4, exprimées à la surface des cellules cancéreuses comme des clés de désactivation du système immunitaire, protègent les cellules cancéreuses de l'attaque des cellules immunitaires.
Quand on contrecarre leur action grâce à des anticorps monoclonaux (appelés "anti-PD-L1" ou "anti-CTLA4"), qui viennent se lier à ces clés de désactivation pour en amoindrir l'effet, les cellules immunitaires peuvent à nouveau tuer les cellules cancéreuses. La réponse peut être très rapide et durable.

C'est une autre particularité de l'immunothérapie que de provoquer des réponses non seulement efficaces mais durables : de nombreux patients, même atteints de cancers métastasés, sont désormais en rémission.
Ils ne sont peut-être pas guéris, mais il est rare d'observer à des stades tardifs d'évolution du cancer une réponse à un traitement dont les effets se prolongent aussi longtemps.


La recherche est foisonnante

Une approche récente consiste non plus seulement à sélectionner des cellules immunitaires, mais à les modifier génétiquement.
Dans ce type de traitement, des cellules immunitaires, les lymphocytes T, sont prélevées dans le sang du patient puis génétiquement modifiées en laboratoire pour exprimer des récepteurs spécifiques à leur surface.
On parle de récepteur antigénique chimérique, CAR en anglais.
Ces récepteurs permettront aux cellules modifiées, alors appelées CAR-T, de repérer des antigènes présents sur les cellules tumorales.
Des combinaisons de différents agents d'immunothérapies sont aussi à l'étude, ainsi que des combinaisons d'immunothérapies et de chimiothérapies.
La chimiothérapie a une interaction très complexe avec le système immunitaire. Et elle peut même, dans certains cas, renforcer l'action de ce dernier. Les combinaisons d'immunothérapies en fonction de profils spécifiques de patients, et en fonction de tumeurs spécifiques, sont un domaine très prometteur de la recherche contemporaine.

De multiples essais thérapeutiques tentent de combiner un anticorps anti-PD-1 avec une autre immunothérapie adressant d'autres cibles, une chimiothérapie ou une radiothérapie ciblée.
Ces combinaisons peuvent être efficaces, comme c'est le cas avec l'association anti-CTLA-4/anti-PD-1 dans le mélanome, qui permet de doubler les taux de réponses... mais augmente fortement les toxicités sévères.
Les possibilités de combinaisons sont nombreuses et il est indispensable de mieux rationaliser leur choix.

 

Ce qu'il faut dépasser

La réponse à un traitement unique d'immunothérapie (monothérapie) est très variable et elle n'est pas toujours tangible selon les critères habituels d'évaluation de la réponse à un traitement.

• Même en cas de non réponse, le traitement peut tout de même apporter un bénéfice au patient.
• La réponse peut aussi tarder et la tumeur régresser longtemps après le début du traitement.
• Dans certains cas, la réponse peut même survenir après l'arrêt du traitement.
• Enfin, dans d'autres cas, il semble n'y avoir aucune réponse mais, lorsque le patient reçoit un autre traitement - une chimiothérapie par exemple -,
la réponse à ce dernier est fortement augmentée.
 

L'immunothérapie est récente, innovante, et sera sûrement l'une des thérapies les plus utilisées dans les années qui viennent.

Il reste à déterminer ce qui entraîne la réponse à un traitement d'immunothérapie particulier chez un patient donné, et plus globalement à mieux comprendre les mécanismes immunitaires induits par ces immunothérapies, liés à des micro-environnements tumoraux d'une grande diversité.

Avec la médecine de précision, l'expression par les cellules tumorales du patient de la cible thérapeutique (par exemple EGFR) est un élément clé de prédiction de réponse au traitement.

Avec l'immunothérapie, si l'expression du récepteur PD-1 donne de fortes chances de réponses au traitement, le patient peut avoir des chances de réponse même en l'absence d'expression de ce récepteur, suggérant une expression transitoire de PD-1.
L'efficacité impressionnante des anticorps anti-PD-1 dans les lymphomes hodgkiniens fait par ailleurs suspecter d'autres mécanismes d'action.

En dehors du mélanome ou du lymphome hodgkinien pour lesquels les taux de réponses sont élevés (40 et 60 % respectivement), le pourcentage de patients répondeurs à ces immunothérapies en monothérapie est en général d'environ 15 %.
L'un des défis actuels est donc d'améliorer la connaissance des cibles à adresser (au-delà de PD-1, CTLA-4.) notamment grâce aux progrès de l'imagerie assistée pour identifier les biomarqueurs de stratification de patients associés à la réponse, et éviter d'exposer inutilement ces derniers, mais surtout pour mieux comprendre les mécanismes de résistance afin d'adapter la stratégie thérapeutique.

La révolution thérapeutique est déjà là, la révolution des esprits est en cours : le cancer n'est plus seulement un développement cellulaire anarchique, c'est aussi une défaillance des mécanismes de surveillance immunitaire.
La médecine devient toujours plus personnalisée, puisqu'elle s'intéresse maintenant au système immunitaire de l'hôte plutôt qu'aux caractéristiques de la tumeur.

 

 

 

Fiche réalisée avec l'appui de Marc Bonneville, président d'Ariis (Alliance pour la recherche et l'innovation des industries de santé) et directeur des affaires médicales et scientifiques de l'Institut Mérieux.

 

Extrait de Santé 2030 - Partie 2 : les vecteurs d'innovation.

Retrouvez  l'intégralité de l'étude sur le site.