Economie

Production et entreprises

24.01.23

Une industrie technique, innovante et sûre

La mise sur le marché et la diffusion d’un médicament suivent un processus réglementé, de la recherche fondamentale à la commercialisation.
La production industrielle joue un rôle essentiel dans la vie du médicament ; elle mobilise des compétences très diverses, allant du développement galénique à la maintenance industrielle.
Elle répond à des normes de qualité nationales et internationales très strictes, et garantit le respect de l’environnement et de la sécurité.
On dénombre deux classes de médicaments : les médicaments chimiques et les médicaments biologiques.
En 2021, 4 médicaments nouveaux sur 10 étaient des médicaments biologiques. Ce ratio ne devrait pas croître dans les prochaines années.

 

 

L’industrie pharmaceutique opérant en France

La production pharmaceutique possède des atouts fondés sur un tissu industriel dense de plus de 271 sites dotés d’une forte expertise technologique et logistique.
L’ensemble des segments de marché sont couverts par l’outil de production français.
Trente-deux sites industriels se sont spécialisés dans la production de substances biologiques à visée de santé humaine ou animale. Les biomédicaments, produits de haute technologie, ont la particularité de faire appel à une source biologique comme matière première du principe actif qu’ils renferment.
En outre, on recense en France, en 2020, 720 entreprises de biotechnologies en santé.

 

 

Avec l’émergence de nouvelles technologies, il est désormais possible d’envisager des approches totalement disruptives qui permettront la production de thérapies innovantes à des coûts abordables et au plus près du malade.
La production des thérapies biologiques innovantes est donc un enjeu compétitif majeur, mais est également indispensable pour garantir un meilleur accès des patients aux innovations de demain, ainsi que notre indépendance sanitaire.
La France, malgré des équipes aux savoir-faire reconnus, a perdu en compétitivité par rapport à ses voisins européens. La valorisation des atouts français dans le domaine de la bioproduction appelle à la mise en place d’une politique coordonnée.
C’est l’objectif du contrat stratégique de la filière des industries et technologies de santé.

Signé en février 2019, il prévoit un investissement de 500 millions sur cinq ans afin de :
• permettre aux industriels un gain de productivité de 100 à l’horizon de dix ans, pour favoriser un accès optimisé aux traitements innovants, au bénéfice du patient ;
• créer un tissu de start-up et de PME, ainsi qu’une offre renforcée de formation aux technologies de bioproduction, pour favoriser la création d’emplois à forte valeur ajoutée sur le territoire ;
• permettre le transfert des technologies développées, dans le cadre d’unités pilotes, pour une première industrialisation sur des sites de fabrication pharmaceutiques situés en France.


La production française dans la compétition internationale

Depuis 1994, la politique conventionnelle Etat-industrie pharmaceutique se fixe pour objectif que la France figure parmi les premiers producteurs européens et soit l’un des principaux exportateurs mondiaux de médicaments.
Afin de renforcer sa présence industrielle sur le territoire européen, l’accord-cadre signé entre le Leem et le Comité économique des produits de santé (CEPS), le 11 janvier 2016, comporte un article (article 18) stipulant que les investissements réalisés dans l’Union européenne (investissements de R&D et de production notamment) peuvent être pris en compte dans la fixation et la révision des conditions de prix. Cette mesure, qui, en pratique, ne permet qu’une stabilité des prix pour une période maximale de vingt- quatre mois, peine à renforcer l’attractivité de notre territoire dans la compétition mondiale (seulement deux contrats signés avec les industriels en 2017).

Au sein de l’Union européenne, la France est de plus en plus concurrencée par ses voisins dans le domaine de la production.
A titre d’exemple, l’Italie est devenue un concurrent majeur. Elle a dépassé la France alors que son gouvernement mène, lui aussi, une politique de réduction des dépenses publiques de santé impactant à la baisse le prix des produits. Le gouvernement italien a décidé de mettre en œuvre une vraie stratégie industrielle pour faire du pays un pôle pharmaceutique majeur, en optant pour des facilitations réglementaires et des incitations fiscales pour les activités de R&D.
Ainsi, d’après Farmindustria, représentant de l’industrie pharmaceutique en Italie, la hausse de la production s’est traduite par des exportations qui ont été multipliées par cinq en vingt ans.

 

 

Sur les 488 médicaments autorisés en Europe entre 2016 et 2021, seulement 42 produits sont fabriqués en France, contre 112 en Allemagne, 87 en Irlande, 48 en Espagne et 38 en Italie.
Concernant les sites de production dits chimiques, nous constatons depuis 2010 un maintien des investissements autour de 500 millions d’euros par an (investissement de maintenance).
Cela étant, l’accord de reconnaissance mutuelle (ARM) des évaluations de conformité des bonnes pratiques de fabrication (BPF), signé entre les autorités américaines et la Commission européenne début 2017, pourrait inverser la tendance.
Depuis le 1er novembre 2017, les autorités sanitaires des parties à l’accord acceptent des inspections mutuelles et reconnaissent les attestations de BPF octroyées aux sites de production.
Cette reconnaissance mutuelle supprime donc la plupart des réinspections effectuées par le pays importateur. En d’autres termes, cet accord ne remet pas en cause l’obligation pour un site de production européen d’être certifié conforme aux BPF américaines pour pouvoir exporter aux Etats-Unis, mais cette certification peut désormais être délivrée par un inspecteur européen. Cet accord devrait permettre de réduire sensiblement les délais nécessaires pour le lancement de nouveaux produits.
Concernant la production de génériques, le manque d’attractivité de la France ne s’explique pas forcément par le différentiel de coût de la main-d’œuvre, le coût de revient d’une spécialité produite en France étant supérieur de seulement 5 à 7 centimes d’euros par rapport à celui dans un pays étranger, mais résulte plutôt d’un manque de lisibilité des contraintes réglementaires et juridiques.
Toutefois, la pression sur les prix précarise ce modèle, alors même que la qualité pharmaceutique devient un enjeu majeur.

 

                                                                                                            INFO+

Investir pour moderniser

La France est l’un des premiers producteurs pharmaceutiques en Europe, mais son parc industriel est vieillissant et les investissements moins productifs.
En 2022, le Leem a commandé une étude au cabinet PwC Strategy& pour analyser les leviers de modernisation et de compétitivité de l’outil industriel pharmaceutique français.
L’état des lieux indique que l’automatisation des opérations est le levier de modernisation aujourd’hui privilégié par les industriels.
Le traitement des données complexes et la mise en continu des procédés sont moins développés et représentent les domaines potentiels d’investissement pour améliorer la performance industrielle des acteurs du secteur.
Après identification et priorisation des besoins, l’analyse a permis d’identifier et de sélectionner plusieurs solutions pour répondre aux besoins de modernisation des sites industriels. Une fiche de synthèse a été réalisée pour neuf d’entre elles afin que les industriels identifient facilement celles qui sont les plus adaptées à leurs besoins (ont été écartées toutes les solutions ayant un retour sur investissement supérieur à trois ans ou nécessitant une revalidation des procédés).
La pertinence d’implémentation de chaque solution dépend de la maturité des sites industriels et de leur capacité de financement.
« L’objectif du catalogue des solutions est d’aider les industriels à comprendre chaque aspect de ces solutions, notamment leurs avantages et leurs caractéristiques de mise en œuvre. Cela permettra l’accélération du processus de prise de décision, et donc de modernisation », précise l’étude.
Au-delà des solutions proposées, cette étude a permis d’identifier quatre priorités afin d’améliorer la compétitivité et d’accompagner la modernisation du parc industriel :
— Données industrielles : une stratégie de gestion et d’exploitation avancée des données peut accroître la productivité et améliorer la qualité.
— Cybersécurité industrielle : les approches de traitement de la cybersécurité industrielle doivent être menées conjointement au déploiement de solutions digitales.
— Compétences : la mise en place de certaines des solutions nécessitent le recours à des compétences métier et data.
— Développement durable : sous la pression réglementaire et sociétale, il est un enjeu essentiel pour l’industrie pharmaceutique.


Source : étude « Modernisation et compétitivité de l’outil industriel », PwC pour le Leem,
juillet 2022.

 

La place de la France dans les médicaments de thérapie innovante (MTI)

En novembre 2019, le Leem a publié une étude réalisée par MabDesign sur les MTI présentant un état des lieux de cette filière en France.
Cette dernière est dynamique et bien implantée sur le territoire. On compte 36 sociétés pour 84 produits répartis dans 100 programmes de recherche. 71 produits sont au stade de recherche (R&D ou préclinique), et 29 sont en études cliniques (phases I à III).

 

Une industrie encore assez peu concentrée

Bien que l’industrie pharmaceutique soit marquée par une dynamique de rapprochement, elle demeure encore peu concentrée, tant en France qu’au niveau mondial, du fait de la grande variété des produits, des techniques et des marchés.
En France, la première entreprise pharmaceutique atteint à peine plus de 5,5 % de part de marché, et les cinq premières ne comptabilisent que 25 % de part de marché.

 

Une envolée du prix de la matière première

Dès 2020, les industriels pharmaceutiques ont subi une augmentation importante du coût d’approvisionnement de certaines matières premières, dont celui de l’aluminium, essentiel pour le conditionnement.
Résistant à la corrosion et imperméable à la lumière, aux ultra-violets, à la vapeur d’eau, à l’oxygène et aux micro-organismes, ce dernier est largement utilisé pour l’emballage des médicaments car garant de leur bonne conservation.
Le prix de la tonne d’aluminium connaît une augmentation depuis 2009, qui s’est récemment accélérée : 3 536,7 USD/tonne en mars 2022, contre 1 610,7 USD/tonne en mars 2020, soit une augmentation de près de 120 % en deux ans.
 

Cette récente flambée est due en premier lieu à la diminution des capacités de production en Chine. Le gouvernement chinois souhaite en effet réduire la pollution de l’air en restreignant certaines activités industrielles polluantes. Les fonderies d’aluminium, grosses consommatrices d’électricité et qui s’approvisionnent auprès centrales à charbon extrêmement polluantes, sont directement concernées par ces mesures.
D’autre part, la production européenne d’aluminium a également diminué de plusieurs centaines de milliers de tonnes en raison des coûts énergétiques élevés.
Enfin, ce phénomène a été amplifié par le conflit russo-ukrainien. La Russie étant l’un des plus gros producteurs d’aluminium au monde, les sanctions internationales contre le pays ont aussi contribué à une augmentation du prix de la tonne d’aluminium.

L’augmentation considérable du prix de l’aluminium n’est qu’un exemple de la tendance qui pèse sur le secteur. Sont également concernés les matières premières à base de polymères, l’éthanol, les solvants, les articles de conditionnement secondaires constitués de papier et de carton…
A l’inflation des matières premières s’ajoutent l’accroissement des délais de livraison (lead time), l’élévation du coût des énergies et le risque de pénuries de gaz. L’amplification de ces tendances pose la question de la soutenabilité de l’industrie pharmaceutique.

 

L’essentiel

5ème

Place de la production pharmaceutique française en Europe en 2021.

23,6 milliards d'euros

Montant de la production pharmaceutique française en 2021.