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Tribune de Thierry Hulot : "Accès au médicament et attractivité : la France, un élève européen très moyen"

29.06.23
« Faire de la France la première nation européenne innovante et souveraine en santé ». Voilà l’ambition déclarée par le Président de la République en 2021 avec le Plan Innovation santé 2030. Ajoutant que « nous avons la possibilité d’être à la tête sur une médecine plus prédictive, plus préventive, plus innovante et avec un tissu productif davantage fabriqué en France ». Certes la possibilité, nous l’avons. En revanche, est-ce que l’on s’en donne les moyens ?

Pour évaluer la situation concrète du médicament en France, le Leem a lancé un outil de mesure à 360° : l’Observatoire de l’accès aux médicaments et de l’attractivité en France. Enrichi de nombreux indicateurs renseignés par l’agrégation de différentes sources de données, le dispositif permettra de factualiser la perte de chance des patients en France, en termes de disponibilité et d’accessibilité des médicaments, et de mettre en perspective le niveau d’attractivité du territoire par rapport à nos voisins européens. Les résultats de la première édition livrent un bilan en demi-teinte.

Accessibilité et disponibilité des médicaments : une France en retrait

D’un côté, la disponibilité des nouveaux médicaments en France est moindre qu'en Allemagne, en Italie ou encore en Angleterre, en partie en raison de délais de négociation plus élevés et de conditions économiques défavorables. Fin 2022, 34% des médicaments ayant reçu une autorisation de mise sur le marché au niveau européen entre 2018 et 2021 n’étaient pas disponibles en France. En outre, les délais pour la mise sur le marché sont très éloignés de la cible de 180 jours fixée par la directive européenne Transparence. Certes, les dispositifs d’accès précoce permettent d’accélérer l’accès des premiers patients aux médicaments, mais ils sont réservés à des médicaments répondant à des critères stricts et aux patients dans les situations les plus critiques.

D’un autre côté, ces dernières années, les ruptures d’approvisionnement sur les médicaments courants se sont multipliées. 65% des industriels ont signalé des ruptures de stocks au cours des deux dernières années.

Par ailleurs, l’ANSM a enregistré entre 19 et 32 arrêts de commercialisation par an, dont la principale cause rapportée (60 % dans notre enquête) est la fragilisation de l'équilibre économique.

Un cadre réglementaire et budgétaire à refondre

Malgré des investissements importants dans la production et la recherche-développement, la France est distancée par ses pairs européens dans la production de nouveaux médicaments. Sur les médicaments ayant obtenu une autorisation entre 2017 et 2022, seuls 48 sont produits sur le territoire français, contre 122 en Allemagne. Globalement, la France exporte de moins en moins les médicaments matures qu’elle produit et importe de plus en plus de produits innovants…

Les industriels français ont largement exprimé leurs craintes et 64% des répondants à l’enquête du Leem citent la complexité de la régulation comme le principal frein à leur développement.

Bien sûr, la situation du pays n’est pas catastrophique. Tout dépend de nos ambitions. Cette première photographie montre qu’il y a urgence si l’on veut, conformément au vœu du Président de la République, être un leader européen. C’est pourquoi nous attendons avec beaucoup d’attention les conclusions de la mission d’experts nommée par la Première ministre Elisabeth Borne sur le système de financement et de régulation des produits de santé. Et il faudra que les décisions budgétaires qui seront prises à l’automne dans le cadre du PLFSS 2024 soient en cohérence des ambitions affichées. Les entreprises du médicament y seront très attentives.

Nous vous présenterons régulièrement les résultats de cet observatoire, a minima une fois par an. Il évoluera à chaque édition pour intégrer de nouvelles dimensions d'analyse, à mesure de l'évolution des données disponibles et des besoins. Nous disposons désormais d’un outil qui nous permettra d’objectiver et de rendre compte très régulièrement de ce qui devrait être la boussole de toute politique publique en matière de médicament : l’accès des patients et l’attractivité de notre pays pour redevenir une terre d’innovation.