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Tribune de Laurence Peyraut : "Environnement : les entreprises du médicament face à leur responsabilité"

15.02.24
Laurence Peyraut, Directrice générale du Leem, a animé une table ronde lors du Sommet de l'engagement de l'OCDE, le 8 février dernier. Celle-ci était dédiée à la responsabilité de la santé en matière environnementale.
ocde

Pour faire face au réchauffement climatique et à ses répercussions sur la santé, il va falloir explorer, s'inspirer, dialoguer, coopérer. Le Forum de l'Engagement a justement cette ambition et j'ai eu la chance d'animer une table ronde lors du 1er Sommet de l’engagement à l’OCDE jeudi dernier, dédiée spécifiquement à la responsabilité de la santé en matière environnementale. Car, avec 8% de l'empreinte environnementale en France, le secteur ne pouvait pas rester les bras croisés.

On le sait, notre santé est indissociable de la santé de notre planète. La dégradation de la qualité de l‘air due à la pollution a des répercussions sur les maladies respiratoires. La hausse des températures favorise la prolifération des moustiques et davantage de populations dans les années à venir seront exposées à des maladies comme le paludisme ou la dengue. L’antibiorésistance évolue dangereusement avec le temps, à mesure que la concentration d’antibiotiques dans ce que l’on boit ou ce que l’on mange augmente, et il est de notre devoir de surveiller et maitriser les résidus de médicaments dans l’eau. Le défis des polluants éternels ou molécules PFAS qui impactent silencieusement notre santé. Un rapport remis au Gouvernement pas plus tard qu’hier s’y attaque et appelle à interdire « urgemment » tous les rejets industriels.

Nous en sommes tous convaincus, un seul prisme est possible pour penser notre santé aujourd’hui : One health.

Après avoir dit ça, on fait quoi ?

Pour 62% des Français, les entreprises du médicament ne sont pas assez attentives à l’environnement. J’espère avoir un peu tordu le cou à ce préjugé négatif lors du Sommet de l’engagement. La table ronde que j’animais a apporté des éléments de réponse très variés sur la façon dont les entreprises du médicament se sont emparées du sujet, en tant qu’industrie de santé :  éco-conception des médicaments, innovations technologiques pour décarboner les moyens de production, mobilité douce des collaborateurs, achats de matières premières optimisés, chaînes d'approvisionnement intégralement repensées, nouvelle conception des business models et volonté d’aller vers une croissance durable. Les intervenants à mes côtés ont prouvé à travers leurs nombreux exemples que oui, agir pour la santé environnementale, c’est possible, même quand on est une filiale d’un groupe international, sans site de production sur le territoire français !

Et c’est souhaitable, car l’environnement est :

  1. Une source d’innovation business, sociale et sociétale
  2. Un facteur de compétitivité de la France à l’échelle européenne

Un secteur qui met la RSE au cœur et fait de la santé une priorité est un secteur à protéger. Soyons lucides. Si l’on veut attirer capitaux et talents vers notre industrie pour assurer son avenir et faire de la France la nation leader de l’innovation en santé d’ici 2030, l’environnement doit être au cœur de nos stratégies.

Bruno Lemaire le disait dans ses vœux : « Contre la désindustrialisation, une seule politique : la décarbonation de notre industrie »

Quelques exemples particulièrement inspirants :

  • Développement d’une gamme de pompes et de valves afin de diminuer l’impact environnemental des aérosols. Des valves « Made in France » produites en Normandie. L’objectif de l’entreprise derrière cette initiative est de réduire de 90 % son empreinte carbone à l’horizon 2025.
  • Mise en place d’un programme de recyclage de stylos injecteurs pour diabétiques. En mettant en place un système de retour des stylos utilisés, l’entreprise récupère le plastique et le verre qui sont ensuite transformés pour en faire des chaises ou des lampes.
  • Développement d’une usine de production plus durable à Dunkerque pour réduire et capturer les émissions liées à la production des médicaments. Trois procédés innovants y sont déployés : la cryo-condensation, le vacuum purge et un nouveau gaz propulseur à potentiel de réchauffement climatique proche de zéro.

Plus collectivement, suite aux objectifs de décarbonation que nous avions annoncés en juillet, qui engagent le secteur à réduire de 50% ses émissions directes de CO2 et de 25% ses émissions indirectes, nous avons signé à l’automne un accord de branche historique sur la transition écologique. Il engage les laboratoires à réaliser un bilan carbone de leur activité dans l’année et à mettre en place une commission environnementale (pour celles de plus de 300 salariés).

Autre action forte : notre plan de substitution de 100% des blisters mono PVC/aluminium par des blisters recyclables à horizon 2030 pour les médicaments nécessitant les propriétés barrières les plus faibles. Au-delà du médicament, la politique RSE du secteur des industries de santé est pilotée dans le cadre du CSF (contrat stratégique de filière), auquel les entreprises du médicament contribuent activement.

Challenges à dépasser pour aller plus loin demain

Nous devons prendre le chemin d’une vision de plus en plus intégrée de la responsabilité environnementale au sein de nos entreprises, quelle que soit leur taille ou leur modèle d’affaires.

Il en va de la responsabilité des dirigeants de ne pas considérer que c’est un « nice to have » mais que l’urgence environnementale doit être au cœur de la croissance. C’est à eux d’embarquer l’ensemble de leurs équipes dans cette nécessaire transformation. Il y a bien sûr des défis à dépasser, notamment celui des normes environnementales, et le millefeuille des réglementations européennes et françaises qui se superposent et contraignent les entreprises plus qu’elles ne les aident à accomplir leur transition écologique. Nous avons besoin de pragmatisme, de coopération et d’audace pour faire bouger les lignes.

Demain, l’empreinte environnementale sera intégrée dans l’évaluation des médicaments et dans les critères d’autorisation de mise sur le marché, à la façon d’un éco-score. La révolution est enclenchée.

Les crises peuvent aussi être des accélérateurs de progrès. Il n’y a pas de fatalité.

 

Source : The shift project – Décarboner la santé pour soigner durablement – rapport avril 2023 - "Le secteur de la santé représente 8% de l'empreinte environnementale de la France"