Actualités
 - 

Philippe Lamoureux : « Santé publique cherche ministère »

29.11.21
Le directeur général du Leem a contribué au numéro spécial « 50 idées pour 2050 » du magazine Décision & Stratégie Santé.

Construire une politique de santé publique en France n’est pas simple. En construire une efficace est à l’heure actuelle une mission quasi-impossible. Une politique de santé publique repose en effet sur quatre piliers : les comportements individuels, les milieux de vie (entreprise, école…), les environnements et – en dernier lieu – le soin.

Or, dans notre organisation administrative, le ministère des Solidarités et de la Santé n’a traditionnellement prise que sur le soin et, dans une certaine mesure, les comportements. Rien de moins surprenant dès lors, que notre système de santé soit davantage orienté vers le curatif que le préventif, laissant de côté les sujets à l’intersection de départements ministériels qui collaborent insuffisamment (santé/logement/éducation nationale/agriculture…). Il gravite ainsi autour du médecin et, dans la plus pure tradition pasteurienne, du couple diagnostic-prescription. Preuve en est l’extrême difficulté à aborder des sujets « non curatifs » tels que la vaccination ou la consommation d’alcool.


De surcroît, le regroupement dans un ministère unique de la Santé et des Comptes sociaux crée un tropisme qui – hors crise sanitaire majeure – déplace logiquement le barycentre de l’activité ministérielle vers des sujets de régulation économique. Il y a urgence à revoir cet équilibre. Urgence également à occuper de nouveaux terrains communs, essentiels à une politique de prévention. Caractérisé par une difficulté à dialoguer avec la société civile, privé de levier d’action sur le terrain, le monde de la santé publique privilégie par défaut une approche normative, là où un dialogue ouvert serait parfois bien plus efficace. En outre, il ignore l’entreprise, quand il ne s’en défie pas et adopte une attitude trop souvent centralisatrice vis-à-vis des collectivités territoriales.


D’immenses espaces de collaboration potentiels s’en trouvent ainsi stérilisés. Le moment est opportun pour réimaginer une nouvelle organisation gouvernementale en créant un
véritable ministère de la Santé – ou plutôt de la Qualité de vie – qui aille du soin à la médecine scolaire, en passant par l’environnement et la consommation. Avec comme fil rouge la réduction des inégalités sociales de santé. La politique de santé est aspirée par la gestion des crises sanitaires qui prend le pas sur le développement de projets structurants de moyen ou long terme. Finalement, il y a surtout urgence à sortir de l’urgence.