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Tribune de Thierry Hulot : Pénuries et relocalisations : passer du "quoi" au "comment"

15.06.23
Le président du Leem réagit aux annonces du gouvernement sur les pénuries de médicaments et la relocalisation de la production.

Mardi matin, je me suis rendu sur le site Ardéchois d'Aguettant France aux côtés d'Emmanuel Macron. Le Président de la République y a dévoilé la liste des médicaments à relocaliser en priorité, liste que les entreprises du médicament appelaient de leurs vœux depuis 2019 (cf. notre conférence de presse du 11 mai dernier sur les tensions d’approvisionnement).

La publication de cette liste est une bonne nouvelle. Mais maintenant que l’on connaît le "quoi" des produits concernés, il faut s’intéresser au "comment" relocaliser : il va falloir analyser produit par produit où se situent les chaînes de production de principes actifs ou de médicament, diagnostiquer les points de fragilité et les capacités de relocalisation.

En s'attaquant à ce travail, qui sera de longue haleine, Il faut garder en tête 2 conditions sine qua non de sa réussite : 

  • Une stratégie industrielle de relocalisation ne peut s'envisager qu'à l'échelle européenne ;
  • Il faut réconcilier les ambitions industrielles de la France et la politique de régulation économique du médicament. Autrement dit, "le médicament ne peut plus être la variable d'ajustement budgétaire" selon les propres mots du Président de la République. Au moment où nous attendons les conclusions de la Mission d’experts sur le financement et la régulation des produits de santé, il apparaît de plus en plus clairement que le PLFSS 2024 sera le juge de paix. 

Notre mission première est de nous assurer que les traitements que nous allons produire en France et en Europe seront disponibles pour l'ensemble des patients, qu’il s’agisse de médicaments matures ou d’innovations, au moment où ils en auront besoin. 

  • La transparence sur l’état des stocks de médicaments est souhaitée par les entreprises du médicament. Mettre en connexion l’ensemble des bases existantes permettrait d’avoir une meilleure visibilité en temps réel des médicaments à risque de pénuries. 
  • En revanche l'annonce "surprise" du Ministre de la Santé sur l'allongement de la durée des stocks sur les 450 médicaments "essentiels" serait contre-productive pour la gestion des pénuries et interroge sur le sens de cette mesure dans le cadre européen. 
  • Du côté de l’innovation, il faut retrouver l’attractivité en amont, afin que les médicaments de demain soient produits en Europe (qui perd du terrain face aux États-Unis et à la Chine) et si possible en France (de plus en plus loin derrière l’Allemagne ou encore l’Irlande). 
  • Pour retrouver cette attractivité et favoriser l’innovation sur notre territoire, protéger la propriété intellectuelle est fondamental ; le président de la République s’est exprimé très clairement contre la mesure proposée dans le projet de révision de la législation pharmaceutique européenne, à savoir réduire de deux ans la protection réglementaire des données sur les nouveaux médicaments. 

Enfin, produire les médicaments sur notre sol devra se faire en suivant un modèle écologique vertueux.

Une équation complexe donc que ce passage à l’action, et qui ne pourra être résolue qu'en réunissant l'ensemble des acteurs autour de la table. Les entreprises du médicament seront au rendez-vous.