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Tribune de Laurence Peyraut : "Mesdames, n’ayons pas peur de nos ambitions"

08.03.24
Alors qu’il s’agit - encore plus aujourd’hui - d’un principe constitutionnel, l’égalité femmes-hommes demeure un combat quotidien. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, rappelons qu’avant de devenir une obligation dans le cadre professionnel, il s’agit aussi, et avant tout peut-être, de considérer la parité comme la juste considération de la moitié de l’humanité. Qu’il nous appartient de soigner. De générations en générations. Sans relâche.

Mon parcours a été ponctué de premières fois et d’engagements en tant que femme.

J’ai été la première femme à entrer au Comité de direction de Barclays en France.

La première femme à devenir secrétaire générale de Danone en France.

Et aujourd’hui, la première directrice générale du Leem.

Pas une fierté. Mais des faits.

Barclays a été un déclencheur et une prise de conscience. À cette période une femme m’a dit « merci, grâce à vous je sais que c’est possible ». Je me suis dès lors sentie investie d’une responsabilité et je me suis engagée pour la place des femmes dans le monde de l’entreprise.

J’ai réalisé qu’il n’y a aucune évidence. Je ne vous apprends rien - même si la situation progresse - les femmes ne sont encore pas assez représentées dans les postes à responsabilité ou dans les fonctions de pouvoir1 . J’ai compris que les responsabilités qui devenaient les miennes en accédant à ces postes allaient bien au-delà du simple aspect professionnel.

Je peux – je veux - montrer que c’est possible.

Rien n’est jamais acquis et même si le Leem est bon élève en la matière avec 68% de femmes dans ses effectifs et 6 femmes pour 5 hommes au Comex, nous devons affirmer une vision plus large et prospective de la diversité et de l’inclusion à tous les niveaux et tous les âges et étapes de la vie : éducation, parentalité, handicap, seniors, aidants…

Car la question est là : comment créer dans nos entreprises les conditions pour permettre aux femmes d’être nommées à des postes à responsabilité ? Ou aux postes auxquels elles aspirent, quels qu’ils soient ? Pour répondre au comment, penchons-nous déjà sur le pourquoi.

Une première piste, sortir du syndrome de l’imposteur.

Ce mal au féminin qui explique sans doute pourquoi les femmes, plus diplômées que les hommes2 , sont nettement moins représentées dans les grandes instances.

Karine Aubry, auteure de Trop bon élève au travail ? Attention danger ! l’explique très bien « On a le droit d’avoir des droits. Il faut s’y autoriser. »  « Le doute est une machine à questions qui s’emballe quand elle est laissée seule, la freiner requiert du courage ».

N’ayons pas peur de nos ambitions, réconcilions-nous avec elles. Il n’y a pas de quoi rougir.

On peut agir sur nos propres comportements. On peut aussi agir sur les règles du jeu de l’entreprise.

Du statut de non manager à celui de manager on perd des femmes en ligne souvent pour raisons personnelles. Encore trop souvent au moment du choix de la maternité, les femmes s’éloignent des postes à responsabilité. Un chiffre intéressant, en 2020, les femmes étaient trois fois plus nombreuses à prendre un temps partiel que les hommes : 27% d'entre elles, contre 8% d'entre eux. Choix qui éloigne les évolutions alors qu’avec l’accélération du télétravail par exemple, l’équilibre des temps de vie (partager avec nos partenaires !), peut rendre l’équilibre vie professionnelle vie personnelle plus facile. Et donc le partage du pouvoir ne doit plus être un sujet !

De manager à leader, un autre cap à passer :  les places sont plus rares, plus chères et la compétition est plus rude. Le leadership au féminin doit encore faire son chemin pour s’imposer. Et l’on sait que cela apporte de la performance. Maintes fois prouvées avec par exemple le rapport d'Entreprise et Progrès « les indices de la raison d’être » qui montre le lien entre présence des femmes dans les instances de gouvernance et la performance de nos entreprises. GO !

Sortir de la posture de la « bonne élève ». À l’école, quand on a une bonne note on passe en classe supérieure. L’entreprise demande autre chose. Les règles du jeu sont différentes. Il faut les connaitre. Il faut aussi faire connaitre nos envies et nos ambitions, car les promotions ne tombent pas du ciel ! Plus simple à dire qu’à faire quand toute une éducation et un environnement socio-culturel nous ont conditionné à être des bonnes élèves avant tout.

Les organigrammes des entreprises sont révélateurs.

SI en bas de l’échelle, la parité est globalement respectée avec 50% de femmes pour 50% d’hommes, le bât blesse quand on monte dans la hiérarchie et qu’au plus haut niveau le ratio est encore trop souvent 90% d’hommes pour 10% de femmes. C’est le syndrome du crocodile (oui encore un autre syndrome !). Plus sa gueule s’ouvre, plus la proportionnalité s’inverse.

Et si on lui fermait le clapet ?

Au Leem c’est fait. Et vous ?

  • 1Le CAC 40 ne compte que 2 femmes présidentes de conseil d’administration.
  • 2Selon l'INSEE, en 2020, 42% des femmes âgées de 25 à 64 ans étaient diplômées du supérieur, contre 37% des hommes. Cet écart se creuse au sein des jeunes générations : les femmes de 25 à 34 étaient 53% à posséder un diplôme du supérieur, contre 46% des hommes.