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Tribune de Laurence Peyraut : Il est temps de (re)donner de la valeur aux médicaments

17.04.24
La mission des entreprises du médicament c’est d’assurer que tous les jours, en France, les patients aient accès aux traitements dont ils ont besoin. Aujourd’hui, de nombreux obstacles compromettent cette mission. Pour relever le défi majeur de la souveraineté sanitaire, dans un contexte d’inflation et de régulation exacerbée, chaque entreprise a besoin d’une soutenabilité économique, qu’il s’agisse des plus petites comme des plus grandes, de celles qui produisent les médicaments essentiels, anciens, comme des plus innovantes.

L’industrie pharmaceutique est un acteur stratégique de l’économie nationale, avec une forte empreinte industrielle à travers tout le territoire et une dynamique d’emploi très positive. Un acteur qui prend à bras le corps les transitions nécessaires au secteur : numérique, industrielle, sociale et environnementale.

C'est pourquoi nous appelons à refonder la politique économique du médicament en France, en mettant en œuvre dès que possible les recommandations de la mission interministérielle « Financement et régulation des produits de santé ».

Notre mission, s’il faut la rappeler, c’est de prévenir, soigner et sauver des vies. L’accès des patients aux traitements dont ils ont besoin est notre priorité.

Pour retrouver une souveraineté sanitaire, en France et en Europe, il faut aussi protéger le modèle économique des médicaments. D’autant plus quand ils sont fabriqués dans nos territoires.

Car nous sommes bien face à un paradoxe : nos médicaments sont indispensables mais mal valorisés !

Figurer parmi la liste des 450 molécules essentielles établie par le Gouvernement en 2023 ne leur confère pas de valeur.

Le saviez-vous ? Les médicaments de cette liste ont un prix plus bas que les autres médicaments : plus de la moitié d’entre eux (56%) ont un prix public TTC unitaire inférieur à 1€, et pour plus d’un tiers (36%), ce prix unitaire est même inférieur à 25 centimes d’euro. Contre respectivement 41% et 26% pour les autres médicaments, selon une étude récente du cabinet Simon-Kucher & Partners (SKP) pour le Leem.

Cette absence de valorisation des molécules anciennes, mais essentielles est un choix de politique tarifaire du médicament en France. La preuve, c’est que le prix des médicaments issus de cette liste des 450 molécules essentielles est en moyenne en France entre 15% et 30% plus bas que chez nos voisins européens - Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie selon l’étude SKP.

Ajoutez à cela que la France d’une façon générale se distingue par un prix inférieur à la moyenne européenne, selon l’étude International Price Comparaison 2023 (TLV).

Une solution : (re)donner de la valeur aux médicaments

Le rapport « Pour un new deal du médicament » (page 25), de la mission interministérielle « Financement et Régulation des produits de santé », souligne lui aussi la tendance française à la baisse des prix et son impact négatif sur la compétitivité de l’industrie pharmaceutique et sur l’attractivité de la France. D’autant que d’autres facteurs pèsent lourdement sur la rentabilité des entreprises présentes sur le territoire français, et sont particulièrement problématiques pour les acteurs à faible marge :

  • Le contexte inflationniste pèse lourdement sur les charges d’exploitation des entreprises du médicament, qui sont très dépendantes du coût de l’énergie.
  • Les taxes sectorielles sur l’industrie pharmaceutique plus nombreuses et plus lourdes qu’ailleurs en Europe dont une clause de sauvegarde d’un niveau historique de 1,6 Md€.
  • Les obligations réglementaires imposées en France, comme celles d’immobiliser plus de stocks sur le territoire que dans d’autres pays européens. Tous ces coûts représentent une charge considérable pour les entreprises et mettent une pression parfois insoutenable pour les plus exposées d’entre-elles.

Nous sommes conscients de la pression qui pèse actuellement sur les finances publiques. Nous contribuons d’ailleurs de longue date aux économies du système de santé comme le montre la part décroissante de la dépense de médicaments dans le budget de l’Assurance Maladie (8,9% en 2023 contre 11,7% en 2010).

Il est maintenant nécessaire de se saisir des recommandations de la de la mission interministérielle « Financement et Régulation des produits de santé », en concertation avec tous les acteurs, dont nous les industriels.

Une politique de prix bas qui aggrave aussi les pénuries

La Toulouse School of Economics (TSE) a mis en évidence dans un working paper de Pierre Dubois publié en mars 2023, que les prix bas en France sont associés à un plus grand nombre de pénuries et une plus grande amplitude des ruptures d’approvisionnement sur le territoire.

L’hypothèse formulée par la TSE est la suivante : quand des prix plus élevés existent à l’étranger, les fabricants peuvent continuer à investir dans leur appareil de production, ce qui protège l’approvisionnement mondial et par conséquent l’approvisionnement en France. En revanche, dès qu’une pénurie survient quelque part, le marché français avec ses prix plus bas se trouve fortement pénalisé dans la compétition internationale pour l’accès à la ressource rare que devient le médicament.

Je rappelle nos propositions :

  • Accélérer les hausses de prix pour les médicaments dont les conditions économiques ne permettent pas de sécuriser leur production ou leur mise à disposition.
  • Amorcer une réelle décroissance du montant de la clause de sauvegarde pour atteindre moins de 500 millions d’euros d’ici 3 ans.
  • Considérer le médicament comme un investissement et non pas uniquement comme une dépense à couper pour le système de santé, en lui octroyant une croissance de financement au moins équivalente à celle des autres postes de l’ONDAM.

Travaillons ensemble à rebâtir la politique du médicament pour assurer aujourd’hui et demain aux Français l’accès à leur traitement, matures ou innovants.