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Rencontre OIF "Renforcer les systèmes de santé : de l’urgence à la confiance" | Discours de Philippe Lamoureux

23.05.23
La 25ème rencontre francophone entre le Leem et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s'est déroulée à Genève le 21 mai. Aux côtés de ministres de la Santé de 12 pays francophones, Philippe Lamoureux a évoqué, dans son discours, les grands défis du secteur.

"C’est avec une grande émotion que j’introduis cette 25ème édition qui est, à titre personnel, très particulière. Ce sera ma dernière participation, ici à Genève, en tant que directeur général du Leem. En effet, je quitte mes fonctions à la fin de l’année 2023 et je tiens à souligner que ce fut un plaisir et un honneur pour moi de suivre au fil des ans ces échanges de très haute qualité – et je pèse mes mots.

J’aurai un souvenir particulier de l’édition 2016, où les deux candidats à la direction de l’OMS étaient venus s’exprimer devant nous à la tribune pour défendre leur candidature et dessiner leur vision des enjeux mondiaux en santé. Ce qui montre à quelle point ces rencontres francophones se sont inscrites dans l’agenda international.

Ces rencontres et la diversité des participants reflètent une volonté de coopération qui peut servir d’exemple à beaucoup. Ce qui nous lie, ici, ce sont deux choses : la santé, bien sûr,et la francophonie. Nous partageons une langue commune qui facilite la communication et qui nous permet une compréhension fine des sujets santé, par essence très techniques et aux nombreuses nuances. Or, la compréhension, c’est le socle de la confiance. Une confiance qui est devenue indispensable pour bâtir des relations solides entre tous les acteurs de nos systèmes de santé : les scientifiques, la société civile, les autorités sanitaires, les industriels.

C’est pour cette raison que le thème retenu pour cette édition est : « Renforcer les systèmes de santé : de l’urgence à la confiance ».

Les trois dernières années de pandémie ont éprouvé tous les systèmes de santé dans le monde, qui étaient déjà malheureusement sous tension. Il a été nécessaire de réagir et de s’adapter très rapidement. Les efforts fournis par l’ensemble des acteurs ont été colossaux… Mais ils ne peuvent pas devenir la norme et, à long-terme, l’essoufflement sera inévitable. Ce n’est pas dans l’urgence que l’on construit durablement l’avenir. Il faut tirer les leçons du passé pour anticiper le futur et opérer un réel renforcement des systèmes de santé. Il s’agit d’un défi global dont la réussite passe nécessairement par la prise en compte de nombreux aspects. Je pense évidemment à l’accès aux services essentiels (soins de santé primaires), mais également à l’accès à la prévention et aux traitements, à la lutte contre les déserts médicaux, à la formation des professionnels de santé, à la couverture sanitaire universelle... Ce n’est qu’avec cette vision holistique que nous pourrons faire face efficacement aux futures pandémies, ou à d’autres nouvelles menaces sanitaires éventuelles que nous n’avons pas encore imaginées.

La tâche est d’autant plus délicate qu’un contexte de défiance entre les différents acteurs de l’écosystème de la santé s’est installé pendant la pandémie.

  • D’abord, en raison d’une inégalité d’accès aux traitements. Selon le tableau de bord mondial de l'équité vaccinale (établi par le Programme des Nations Unies pour le développement, l'OMS et l'Université d'Oxford), en septembre 2021, seuls 3 % des habitants des pays à faible revenu avaient reçu au moins une dose de vaccin, contre 60 % dans les pays à revenu élevé. Près d’un an et demi plus tard, en février 2023, 31 % de la population des pays à faible revenu avaient été vaccinés avec au moins une dose, là où on comptait 73 % de la population des pays à revenu élevé. C’est pour cette raison qu’en juillet 2022, dans sa « Déclaration de Berlin », l’industrie biopharmaceutique, par la voie de sa fédération internationale l’IFPMA, a présenté aux dirigeants mondiaux la création d’une solution collaborative en faveur d’une meilleure équité dans le déploiement des vaccins, des traitements et des diagnostics lors de futures pandémies.
  • Ensuite, parce que, partout dans le monde, nous avons vu des phénomènes de remise en cause des mesures sanitaires prises par les gouvernements, voire de défiance pure et simple à l’égard des solutions thérapeutiques et vaccinales mises en œuvre pour lutter contre le virus. Ces phénomènes ont été amplifiés par des actions de désinformation rendues possibles à grande échelle par Internet. Nous en avons largement parlé lors de la précédente édition et j’ai été marqué par les propos de M. Pierre DIMBA, ministre de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle de la Côte d’Ivoire. Alors que le pays s’apprêtait à jeter 500 000 doses qui arrivaient à échéance, le gouvernement a mis en place un plan d’intensification de la vaccination, avec une communication touchant toutes les couches de la population — impliquant artistes, influenceurs et footballeurs, comme la star internationale Didier Drogba. Tous les acteurs se sont impliqués et, en deux mois, les stocks ont été épuisés...

Cette expérience peut servir d’inspiration, mais elle souligne surtout à quel point la confiance mutuelle entre tous les acteurs est indispensable. Il faut se rendre à l’évidence : la confiance est un préalable non négociable au renforcement des systèmes de santé. Cette 25e Rencontre OIF – Leem est, j’en suis convaincu, une étape importante dans cette direction.

Je remercie chaleureusement le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, Son Excellence Azali Assoumani, Président de l’Union africaine et Président de l’Union des Comores, et Michel Sidibé, envoyé spécial pour l’Agence africaine du médicament, de nous faire l’honneur de leur présence et contribution.

Je remercie tous les intervenants de la table ronde à venir pour leur engagement et leur volontarisme. Ils nous expliqueront les problématiques auxquelles ils sont confrontés en matière de renforcement des systèmes de santé, les défis majeurs qu’ils ont à relever et les solutions qu’ils ont identifiées.

Je remercie également notre modératrice Isabelle Kumar, qui nous accompagne pour la deuxième année consécutive, et les équipes du Leem et de l’OIF qui ont ensemble élaboré cette 25é édition.

Je tiens à remercier tous nos intervenants pour la richesse de leur propos et leur contribution à notre réflexion commune. La francophonie est un modèle de coopération dont la communauté internationale peut s’inspirer. Cette fois-ci, je ne vous dis pas « à l’année prochaine » mais je vous souhaite du fond du cœur une excellente continuation et une longue vie aux Rencontres Francophones."