Actualités
 - 

"Talents de Patients" : de nouvelles oeuvres en compétition

26.07.19
Ouverte jusqu'au 1er septembre, la plateforme www.parolesdepatients.org recueille les témoignages de tous les "patients artistes" que la maladie a révélés.
Talent de patients

Voir plus loin de Michaël BLAUWART

Quand la maladie te frappe à l’âge de vingt ans, c’est le cheminement de ta pensée qui change, qui mûrit et qui te fait voir la vie différemment. L’acceptation avant la résilience. Chaque étape modifie profondément l’être que tu étais, avant de comprendre et voir celui que tu seras. Se résoudre et accepter les changements de ton corps en mettant de côté les choses que tu pouvais réaliser. Seulement te centrer sur ce que tu peux encore et ce que tu pourras apprendre à faire. L’écriture fut alors le meilleur moyen pour combler les manques, l’écriture comme une thérapie, une alliée fidèle dans la reconstruction de soi. L’écriture comme un cheminement vers l’accomplissement ultime de l’homme que je suis devenu.

Extrait :
« JE CONTRE MOI
Un soir de la semaine, peu importe le jour, 22 heures 30. Assis derrière mon bureau, affaibli et tourmenté, je ne sais plus qui je suis. J’ai la désagréable impression que mes neurones ne m’obéissent plus et partent en vrille un à un, sans leur avoir donné l’ordre de quitter le cockpit de ma tête. Moi, le commandant suprême, je dois faire face à une nouvelle mutinerie dont je devine l’issue. Un déséquilibre étrange entre mes propres pensées et la traduction de mes facultés intellectuelles. Fragilisé par un mal sournois à l’intérieur de mon poste de pilotage qui ne me laisse de surcroît aucun répit, je me sens désorienté. Cependant, sans vouloir m’avouer vaincu, je décide de prendre les armes, des épées corticoïdales, pour combattre l’insurrection. Seul contre tous, je ne serais certainement pas le vainqueur mais pour limiter l’étendue des dégâts, je devais avant tout être le gladiateur farouche et vigoureux de ce nouveau siècle.
»

 

Parky et moi : notre lune de miel de Alison BERNARD

Quand mon médecin m’a appris sans ménagement, un jour de juin 2004, que j’avais la maladie de Parkinson, j’ai été quasiment sonnée, effondrée, incrédule et très en colère.
Très vite, j’ai ressenti le besoin de mettre une distance entre la maladie et moi, faire en sorte que nous ne fassions pas « un » même si nous vivions ensemble. La solution que j’ai trouvée fut d’écrire un journal, ce que je n’avais jamais fait auparavant, même adolescente.
Ce journal m’a permis d’exprimer toutes les pensées et réflexions qui me traversaient et tous les sentiments (peur, angoisse, colère mais aussi les joies) ressentis durant les cinq années pendant lesquelles je me suis astreinte à écrire. Et puis un jour, je me suis arrêtée et ce journal est resté au fond d’un tiroir.
Pendant des années, j’ai côtoyé d’autres malades et surtout des gens qui semblaient n’avoir aucune idée de ce qu’était la maladie de Parkinson. Alors, j’ai envoyé mon journal à un très bon ami pour lui demander s’il pensait que mon expérience pouvait être utile à d’autres. Il m’a répondu « oui ».
C’est pourquoi je témoigne aujourd’hui.

Extrait :
« Mars 2005
Jusqu’à aujourd’hui je n’ai pas voulu écrire le mot, comme si, tant qu’il n’était pas écrit, le mot n’existait pas. Mais mon corps m’a poussé à reconnaître que le mot existait, la maladie aussi. C’est parkinson. Au début, le petit tremblement de ma main ne me laissait pas soupçonner qu’il voulait m’avertir d’une grande nouvelle. Quel culot. Parky (je préfère le diminutif) est arrivé d’une façon sournoise, indélicate, irrespectueuse pour s’installer chez moi. Je ne l’ai pas vu venir. Il paraît qu’il est là depuis environ cinq ans. Le salaud. On m’a dit qu’il faut que j’apprenne à vivre avec lui, que ce n’est pas grave, au début, qu’il ne va pas me gêner, qu’on peut le tenir en laisse, le ralentir dans sa possession de moi, de mon corps et qui sait, peut-être, de mon esprit. Ils sont légers ou menteurs, ceux qui parlent ainsi ; ils connaissent tout de cette maladie et de son évolution. J’ai beau crier : non, pas moi, ce n’est pas juste. En fait, ces gens ne vont pas pouvoir m’aider. Tous sont impotents. Je suis seule avec Parky. Comment faire ? Je n’ai pas beaucoup d’options : soit je bataille, j’essaie de l’écraser, de l’oublier, de l’ignorer, soit je l’apprivoise pour qu’il me laisse vivre, un peu. Mais comment aborder quelqu’un (je vois que je le traite comme une personne) qui se croit permis d’entrer en moi avec l’intention de me détruire, de détruire tout ce qui m’est cher.
»

 


Alors comment ça va ? de Manon LEROUX

Le blog « Alors comment ça va ? » est un blog de patiente, je raconte mon parcours de soin à l’hôpital, en consultation médicale, à la pharmacie, ou « dans la vraie vie ».  Chaque billet de blog est écrit pour être lu en quelques minutes. Je n’écris pas pour écrire, ce sont des petites anecdotes, des situations singulières, qui appellent l’écriture. Et je vous invite humblement à la lecture !

Extrait :

« Bon. J’étais en HDJ = hôpital de jour. Quand des soins durent un peu longtemps, mais que y a pas besoin de dormir la nuit néanmoins, « on a HDJ ». C’est un peu comme « avoir piscine ».
J’étais en HDJ ce matin-là. Ça défilait pas mal, c’était efficace. « Tension-température », bilan (=bilan sanguin) pour avoir les résultats en 2h. Passage de l’externe : « Bonjour je suis l’externe » ; clairement mes préférés ces petits mouflets tous chouchous en phase d’apprentissage. Passage de l’interne, plus sérieux : « Je vais vous examiner. » Examen complet. Notamment dermato. Test caractéristique de ma maladie sur la peau. Très facile à réaliser. L’interne est épaté : « Très impressionnant. Vous n’aviez jamais remarqué ça ? » En fait non, je ne m’amuse pas à faire des tests dermato sur ma peau seule chez moi pendant que j’écris du blabla sur le blog. En fait si, j’avais un peu remarqué mais je croyais que c’était normal. Petit sourire de l’interne. Examen terminé. Je reprends mes occupations de malade.
Passage de la chef de clinique. On rigole beaucoup moins avec la chef de clinique. La chef de clinique c’est une espèce de surhumain surpuissant […] qui sait tout sur tout. On sait que c’est la chef de clinique parce que c’est écrit sur sa blouse au niveau de la poitrine. C’est un peu gênant de regarder cette zone du corps, donc je vous conseille d’avoir l’œil furtif, et un bon ophtalmo. Donc la chef de clinique déboule avec toute sa clique d’internes, d’externes, dans ma chambre. On dirait une Grande Visite. Sauf que y a pas de Grandes Visites en HDJ. Alors je trouve ça bizarre.
La chef de clinique me dit : « On peut voir ce que vous avez fait avec l’interne ? »
Je me déshabille et je montre. Je ne suis pas pudique. J’assume ce que j’ai fait avec l’interne.
Elle dit elle aussi : « Très impressionnant. »
Puis, embarrassée : « Je peux vous prendre en photo ? »
Se justifiant : « C’est pour montrer aux étudiants. »
Me rassurant : « On ne verra pas votre visage. »
Bon sang. Moi qui impressionnais la chef de clinique et toute sa clique. Moi qui me faisais shooter à l’hôpital par un iPhone et pas par de la morphine. Moi à qui à l’hôpital on me demandait mon autorisation pour me faire quelque chose. On ne verrait pas mon visage ?!
J’ai pas osé demander à ce qu’on voie mon visage. Je me suis dit que j’aurais qu’à écrire sur un blog. Comme ça un jour peut-être d’autres gens voudront me prendre en photo. Et qu’ils voudront aussi ma tête.
»
 

 

Histoire sein’gulière d’un tatouage peu ordinaire de Sandrine GUESNEL

Les photos et montage vidéo du témoignage que je présente aujourd’hui au prix du talent n’étaient, au départ, que le souvenir d’un moment fort de vie.
Mais, comme une évidence, nous avons souhaité (mes 2 protagonistes, Lili et Alex, et moi) faire vivre ce témoignage afin d’aider d’autres femmes à envisager le tatouage comme une alternative ou un complément à la reconstruction après une mastectomie (ablation des seins) suite à un cancer de sein.
Nous avons voulu mettre à profit cette histoire personnelle et intime, ce moment de vie pour informer les femmes de cette possibilité.
Nous espérons ainsi que certaines, pourront, grâce à ce témoignage, se réapproprier autrement leur corps et gommer un peu cet épisode douloureux qu’est le cancer ou la mastectomie prophylactique (pour éviter un cancer).
Ce témoignage est donc dédié à ces femmes mais aussi à toutes les autres car la beauté n’a pas de normes…

 


Gare aux coups de soleil ! Les neutros rentrent de vacances de Jean-François FLEURY

Il y a deux ans et demi, le 30 Octobre 2015, mon fils Hugo, alors âgé de onze ans, est admis au CHU de Caen en raison d’une tumeur repérée sur sa colonne vertébrale.
Cinq jours plus tard, tandis qu’il se trouve encore en salle d’opération, nous apprenons, sa mère et moi, qu’il s’agit d’une rechute de sa leucémie après sept ans et demi de rémission.
Le lendemain matin, alors qu’il est toujours en salle de réanimation, Hugo prend connaissance de cette terrible nouvelle, de la bouche du médecin qui l’accompagne depuis son âge de 4 ans.
Le témoignage que j’ai le plaisir de vous faire parvenir raconte les huit mois qui ont suivi cette annonce. Ce texte reprend objectivement les anecdotes, les peurs, les rires, les angoisses, les moments de répit qui ont fait souffler le chaud et le froid entre l’hôpital et la maison. Huit mois d’une vie en marge relatés en un peu plus de cent pages.
Premier lecteur, Hugo a voulu que ce récit soit fidèle à son ressenti durant cette épreuve. Ecrire ce texte sous son contrôle était un moyen de l’aider à surmonter la maladie, à « tourner la page » si je puis dire. Il était vital pour lui que le traumatisme ne reste pas enfoui, que les angoisses soient vaincues et que l’avenir puisse être envisagé le plus sereinement possible.
Et si cette thérapie a pu l'aider à surmonter cette épreuve, je veux penser que d'autres personnes y trouveront réconfort et détermination. Ce témoignage est d'abord un soutien que nous souhaitons apporter, nous qui avons pu nous appuyer sur l'écoute et les conseils des médecins ainsi que sur la présence et l'attention de notre entourage.

Extrait :

«  Est-ce que le chirurgien ne m’a pas bousillé la colonne vertébrale ?
Non, non. Pas du tout. L’opération s’est bien passée. Et ta colonne vertébrale est en parfait état. »
Je ressens un profond soulagement et je me tourne légèrement sur le côté, un sourire au coin des lèvres. Mais cet instant de joie est de courte durée. D’une voix posée, Odile n’en a pas fini.
« Par contre, tu fais une rechute. La même leucémie qu’il y a huit ans. »
Mon timide sourire se transforme en un rictus crispé. J’ai du mal à avaler ma salive. Ce qui se dit ensuite m’échappe complètement. J’entends Odile s’éloigner. Des larmes commencent à couler sur mes joues.
Quand j’ouvre enfin un œil, j’aperçois papa qui me tourne le dos. Il fait face au mur et je sais aussitôt que lui aussi se retient.
« Tu sais, p’pa, t’as le droit de pleurer. Ça peut te faire du bien. »
Il se laisse aller, l’espace de quelques secondes, puis se reprend. Je devine qu’il ne veut pas en rajouter à ma tristesse. Il s’approche du lit.
« Le traitement va être long et tu vas passer beaucoup de temps à l’hôpital. Mais on va rester à tes côtés tout le temps. On va t’accompagner partout. Ensemble, on est plus forts.
—    P’pa ; je voudrais que tu termines ta formation. T’as beaucoup travaillé et ce serait dommage d’arrêter maintenant. »
Mes parents se penchent vers moi et me serrent – enfin pas trop quand même – dans leurs bras. Et on se met à pleurer, tous ensemble. Pas sûr qu’on soit plus forts, mais au moins, on est soudés. Le combat va bientôt commencer.
»