Communiqués de presse
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Non, le PLFSS pour 2023 ne respecte pas les engagements pris par l’Elysée

21.11.22
La direction de la Sécurité Sociale (DSS) a contesté l’analyse du Leem sur l’évolution de la régulation des dépenses de santé et de la construction de la clause de sauvegarde. Les entreprises du médicament – qui regrettent que la DSS n’ait pas répondu directement à leur note mais par dépêche interposée – confirment leur analyse.

Depuis 2015, l’évolution du budget du médicament a toujours été calculée de la même manière, en appliquant un taux de croissance (voté par le Parlement) au chiffre d’affaires des médicaments constaté l’année précédente, minoré de la clause de sauvegarde. C’est incontestable. Il suffit de relire chaque loi de financement de la sécurité sociale votée entre 2015 et 2021 pour le vérifier. Le mécanisme présentait le double avantage de maîtriser le budget sans ignorer totalement l’évolution des besoins reflétée par l’évolution de la consommation de médicaments.

2021 : changement de cap

En 2021, comme l’indique justement la DSS, sur la recommandation du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), le budget régulé du médicament est déterminé non plus en taux mais en valeur. Un montant M de 23,99 Md€ est alors voté.

C’est l’engagement du Président de la République lors du Plan santé innovation 2030 d’une trajectoire triennale de croissance de « l’ONDAM produits de santé » à 2,4% qui s’est appliqué pour déterminer le montant M du budget régulé des médicaments pour 2022. La méthode de calcul est explicitée par le Rapporteur Général devant la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Un taux de 1,7% (correspondant à la part de croissance estimée pour les seuls médicaments hors dispositifs médicaux[1]) a été appliqué au chiffre d’affaires réalisé en 2021, minoré du montant de la clause de sauvegarde attendue pour 2021.

C’est cette méthode que la DSS estime exceptionnelle alors que le Leem la qualifie d’historique, étant donné qu’elle a été appliquée sans discontinuité de 2015 à 2021.

De quelle croissance parle-t-on ?

Pour 2023, l’engagement triennal du Président de la République aurait également dû s’appliquer. Or le montant M a été fixé à 24,6 Md€ soit à 0,4% d’évolution par rapport au montant M pour 2022 de 24,5 Md€. Comment a-t-on pu passer d’un engagement de croissance de 2,4% pour les produits de santé en montant remboursé à 0,4% pour le médicament seul, en prix fabricant hors taxe ? L’engagement présidentiel a-t-il été renié ?

Selon la DSS, le Président de la République se serait engagé non pas sur la croissance du budget régulé du médicament mais sur la croissance nette du marché constaté en fin d’année, toutes remises payées. Une interprétation qui ne résiste pas à l’analyse : le discours du Président de la République à l’Elysée le 29 juin 2021 évoque clairement une croissance à hauteur de 2,4 % par an « pour l'Ondam produits de santé sur des bases claires et partagées ».

Par ailleurs, comment un décideur politique pourrait-t-il s’engager sur la croissance du chiffre d’affaires d’un secteur privé dont il n’a institutionnellement pas la maîtrise ? Alors qu’il est effectivement légitime à se prononcer sur la croissance d’un budget régulé de médicaments qu’il fait voter chaque année par le Parlement.

« La direction de la Sécurité sociale a réussi l’exploit de transformer l’engagement de croissance du sous-ONDAM médicament en plafond de croissance du chiffre d’affaires des entreprises du médicament, dévoyant ainsi clairement les engagements formulés par le Président de la République lors de la présentation du Plan santé innovation 2030 », déplore Thierry Hulot, le président du Leem.

Ajoutons que cet engagement a été pris à une période pendant laquelle ne s’exerçaient aucune pression inflationniste et qu’un taux de croissance de l’ONDAM de 2,4% - s’il avait été respecté par l’administration se situerait bien en deçà du niveau de l’inflation, anticipée à 6,2% en 2022.

Or, cette décision a été sciemment prise alors que la crise du COVID a mis en exergue le déclin industriel et la perte d’autonomie stratégique de la France, que nous allons bénéficier d’une vague d’innovations sans précédent et que le LEEM alerte depuis plusieurs mois déjà les pouvoirs publics sur les conséquences délétères de l’inflation et des problèmes d’approvisionnement en énergie. L’objectif de « faire de la France la première nation européenne innovante et souveraine en santé » selon les termes du plan santé 2030 s’éloigne chaque jour un peu plus.

Au-delà de leur technicité, ces polémiques révèlent une question citoyenne centrale : comment fixer le budget régulé des médicaments pris en charge par la Sécurité sociale ? Le Leem exhorte les Pouvoirs publics à ne pas reproduire sur le médicament les erreurs commises à l’hôpital. Ce budget doit tenir compte des besoins réels (définis également par le Président de la République) : mettre à la disposition des Français les innovations thérapeutiques, retrouver une capacité à produire sur le territoire les médicaments essentiels et attirer des investissements pour produire les médicaments de demain.

 

[1] Coûts de dispensation et coûts de distribution