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La régulation économique du médicament en ville et à l'hôpital

15.10.19
Discours de Philippe Lamoureux, Directeur général du Leem, en ouverture du séminaire Ifis, le 15 octobre 2019
La régulation économique du médicament en ville et à l'hôpital

(sous réserve du prononcé)

Bonjour à tous,

•    Je suis particulièrement heureux d’ouvrir cette journée de formation qui restera à n’en pas douter dans les annales de l’Ifis.

•    C’est en effet la première fois que nous organisons un séminaire de formation sur le thème de la régulation économique du médicament en ville et à hôpital sans président du CEPS.

•    Malgré certains avis contraires, nous avons délibérément décidé de maintenir ce séminaire tant l’actualité économique du secteur, ces dernières semaines, est chargée (pour ne pas dire mouvementée).

•    Votre présence nombreuse nous donne raison et confirme l’enjeu pédagogique de cette journée qui a, je vous le rappelle, pour objectif principal l’analyse d’impact des nouvelles mesures économiques pour le secteur.

•    Je tiens également, en préambule, à saluer la présence du Dr Jean-Patrick Sales, vice-président du CEPS.

•    Vous faites, cher Jean-Patrick, durant cette « régence », un interlocuteur fiable, attentif et respecté mais surtout un fin connaisseur de la politique conventionnelle.

•    Votre expertise des chantiers conventionnels fait de vous, permettez-moi l’expression, un régent de qualité.

•    Je vous souhaite d’ailleurs la même destinée qu’un autre régent célèbre : Louis-Philippe 1er, qui sous la Monarchie de juillet, insuffla, tout au moins au début de son règne, un vent de modernité au sein de la très conservatrice royauté française. Malgré quelques turbulences sociales, son règne de près de 18 ans fut une période de relative prospérité durant laquelle, fait exceptionnel, aucun impôt nouveau ne fut levé. A bon entendeur…

•    Cette année, notre journée revêt un caractère particulier car elle intervient au carrefour d’échéances déterminantes pour le secteur pharmaceutique :

--  La renégociation de l’Accord-Cadre

--  Le suivi des engagements du CSIS

--  Le PLFSS pour 2020

•    Les deux premiers sujets sont intimement liés comme le rappelle la lettre adressée par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, à Maurice-Pierre Planel, ancien président du Comité économique des produits de santé (CEPS) le 4 février 2019.

•    Cette lettre fixe les nouvelles orientations conventionnelles de 2019 et invite à la révision de la dernière Lettre d’Orientation Ministérielle (LOM) adressée au président du CEPS, le 17 août 2016.

•    Il convient de rappeler le contenu de cette lettre :  
-    « Le 8ème CSIS a permis de réaffirmer les grands principes qui doivent guider l’action du Gouvernement et par la même celle du comité : l’accès aux traitements les plus innovants, la maîtrise et l’efficience des dépenses de produits de santé et l’attractivité du territoire. »
-    Ou encore « le Premier ministre a fait de la réduction des délais d’accès au marché un point important des engagements du Gvt dans le cadre du CSIS. A ce titre, vous vous efforcerez de réduire les délais de traitement par le comité tant lors de l’instruction que lors de la négociation, en poursuivant l’objectif qu’ils soient inférieurs au délai de 180 jours, sans pour autant conduire à des surcoûts pour l’assurance maladie. »

•    Cette lettre a trois vertus :

-    Elle rappelle le caractère essentiel de la politique conventionnelle dans un environnement de santé de plus en plus complexe du fait de l’arrivée des innovations thérapeutiques.

-    Après une perte d’influence (cf les contradictions de la lettre d’orientation ministérielle d’août 2016 entre les dispositions qu’elle contenait et les articles de l’accord-cadre signé entre le CEPS et le Leem le 31 décembre 2015.), cette lettre montre le regain d’intérêt des pouvoirs publics pour cet élément essentiel qu’est la politique du médicament en France.

-    Elle martèle à plusieurs reprises la notion cardinale d’accès des patients aux traitements. Dans cet esprit, il convient de rappeler la signature de l’avenant à l’Accord-cadre en avril 2019 qui a déverrouillé les situations de blocage et de ralentissement de l’accès au marché. Cet avenant, qui matérialise un des engagements importants du CSIS, contribue en effet à donner du rythme à la négociation en instaurant un délai maximum de 15 jours après l’avis de Transparence au laboratoire pour déposer son dossier de prix au CEPS et en obligeant le CEPS à émettre une première contre-proposition dans les 4 semaines suivantes.

•    Ce n’est donc pas un hasard si nous avons souhaité consacrer une partie de notre matinée à dresser le bilan de l’année 2019 et à décortiquer les chantiers conventionnels en cours et à venir.

•    Concernant la renégociation de l’accord-cadre, les choses avancent malgré une présidence vacante. La réunion du 04/09 avec le CEPS a ainsi permis d’établir une liste de thèmes et des modalités de négociation sur l’accès, la fixation des prix ou encore la régulation.

•    Les chantiers conventionnels qui nous attendent sont nombreux. Nous avions qualifié l’accord signé en 2016 de « moderne et équilibré », mais il demeurait perfectible, en particulier pour intégrer les nouveaux défis du système de santé : biosimilaires, médicaments hybrides, comparateurs, combothérapies, ATUs…

•    Nous sommes confiants sur l’avancée des chantiers malgré un avis de gros temps du côté de la régulation économique.

•    Avec 920 millions de baisses de prix, le médicament constitue une nouvelle fois la variable d’ajustement de la politique de maîtrise des dépenses de santé.

•    Le médicament, qui ne représente plus que 12 % des dépenses de santé (contre 15 % il y a dix ans) devra une nouvelle fois supporter près de 50 % des économies de la branche maladie dans le PLFSS 2020 (en tenant compte de l’ensemble des mesures de régulation : baisses de prix, augmentation des remises, maîtrise médicalisée des dépenses, déremboursements…).

•    Cette journée est également l’occasion de tirer un bilan de la régulation économique.

•    Et ce bilan n’invite guère à l’optimisme.

•    D’un point de vue comptable, la contribution annuelle du médicament aux économies de l’Assurance maladie a plus que doublé entre 2013 et 2018, passant d’1,5 Md€ à 3,1 Md€. Une somme astronomique qui fragilise l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, du fabriquant au patient, et installe progressivement la France dans une situation de dépendance sanitaire pour son approvisionnement en médicaments.

•    La politique de régulation, menée depuis plus d’une décennie en France, a en effet des conséquences réelles et mesurables sur le secteur : recul des positions françaises au plan industriel et en matière de recherche, incapacité à attirer la production de nouveaux médicaments sur le territoire, stagnation de l’investissement et de l’emploi, atonie des exportations…

•    Paradoxalement, alors que l’innovation pharmaceutique constitue un levier majeur de l’amélioration de l’état de santé de la population et une opportunité compétitive (industrielle et scientifique) pour notre pays, la France consacre moins de budget au médicament en 2018 qu’en 2009.

•    La régulation du médicament que nous avons connu jusqu’à maintenant ne tient plus face au progrès thérapeutique (et nous aurons d’ailleurs l’occasion de le démontrer lors de la dernière table ronde de la journée consacrée aux prix des thérapies géniques). L’approche court-termiste qu’impose la LFSS a vocation à évoluer, à se renouveler, à se moderniser.

•    Car à défaut d’anticipation et de vision, chaque arrivée d’innovation continuera d’être vécue comme un coût pour la collectivité alors que c’est avant tout une opportunité pour les patients.

•    Anticiper, programmer sur plusieurs années la régulation budgétaire et l’organisation des soins, adapter les capacités de financement : telles sont les réformes que nous devons lancer au plus vite si nous voulons, face aux défis des prochaines années, répondre aux enjeux de l’accès de tous les patients au progrès thérapeutique et de l’attractivité industrielle et scientifique de la France.

•    Je vous remercie.