Economie

Marché français

23.01.23

Contexte économique 2021-2022

Le contexte mondial

En 2021, un contexte économique mondial rythmé par la crise sanitaire et marqué par l’inflation.
L’activité économique a connu un rebond en 2021, mais les mesures sanitaires et les restrictions de mobilité des personnes déployées pour endiguer les différentes vagues de la pandémie ont continué de cadencer l’activité mondiale.
D’autre part, les difficultés d’adéquation entre l’offre et la demande se sont accentuées et ont participé à un  ralentissement de l’économie et à une accélération des prix. L’offre s’est trouvée contrainte par de nombreux blocages de production à plusieurs maillons des chaînes de valeur, générant des tensions d’approvisionnement et une explosion des coûts (production, approvisionnement, etc.).
En plus de ces difficultés d’approvisionnement matériel, l’accès à la main-d’œuvre s’est également tendu au cours de l’année.

Si les Etats-Unis ont été relativement épargnés grâce à une mobilité importante des effectifs et une mise en cohérence rapide des salaires avec les prix, la zone euro a durement subi cette contrainte supplémentaire.
Aux Etats Unis, le retour à un niveau d’activité pré-pandémie a été relativement rapide grâce à d’importants soutiens publics. Au troisième trimestre 2021, le PIB était 1,4 %
supérieur à son niveau d’avant-crise. Le fort soutien budgétaire a cependant favorisé l’inflation, qui a atteint un pic historique à 7,0 % en décembre.
Le Japon a connu un état d’urgence prolongé qui a freiné sa reprise. Le PIB japonais était ainsi inférieur de 2 % à son niveau d’avant-crise (2019) au troisième trimestre
2021. Si l’économie japonaise a bénéficié de la reprise chinoise, elle a été affectée par d’importantes tensions d’approvisionnement qui ont pénalisé l’activité industrielle du
pays.
Malgré la politique « zéro Covid » adoptée par la Chine, le niveau d’activité en 2021 a été 10,3 % supérieur à celui de 2019. L’année a néanmoins été marquée par un ralentissement du secteur immobilier et par des pénuries d’électricité. L’inflation y est restée plus basse que dans la plupart des grandes économies.
Le PIB de la zone euro, qui avait subi une chute de 6,8 % en 2020, a repris en 2021 pour n’être plus qu’à 0,3 % de son niveau d’avant-crise. Les difficultés d’approvisionnement, l’explosion des coûts de l’énergie et des matières premières pénalisent les entreprise européennes, favorisant une érosion des marges ainsi qu’une accélération majeure de l’inflation. Sur un an, l’inflation a atteint 5,0 %, un record depuis l’introduction de l’euro.

Des perspectives économiques mondiales 2022-2023 plombées par la guerre en Ukraine.
La guerre déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie va peser fortement
sur l’économie mondiale, et particulièrement européenne, en 2022 et 2023. Le conflit accentue l’inflation des prix des matières premières, entraîne des pertes de production et fait craindre d’importantes pénuries énergétiques.
Dans son rapport intermédiaire sur les perspectives économiques mondiales, l’OCDE prévoit ainsi une croissance du PIB mondial à 3 % pour 2022 et à 2,2 % pour 2023. Si ces prévisions sont proches de la dynamique de croissance pré-crise du PIB, l’approvisionnement et les prix de l’énergie, mais aussi le resserrement généralisé des politiques monétaires, pourraient avoir un impact négatif.

Le contexte économique français

La France a connu un regain économique post-confinement de 2020, mais celui-ci a été ralenti par les vagues successives de la Covid-19.
Si le PIB a retrouvé un niveau d’avant-crise, il reste inférieur de 1,3 % au niveau qu’il aurait atteint s’il avait progressé à son rythme tendanciel. Comme l’ensemble des pays européens, l’activité est freinée par les tensions d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre.
La France n’a pas non plus été épargnée par l’inflation. Ce contexte devrait perdurer en 2022-2023.

 

L'économie du médicament en France

Le contexte économique du médicament en France

L’industrie du médicament est un secteur singulier par son importance sanitaire et son cadre législatif et budgétaire strict.
Alors que les comptes de la Sécurité sociale étaient proches de l’équilibre en 2019 grâce à dix années de régulation drastique, la crise de la Covid-19 a brutalement dégradé le
déficit des différents régimes, toutes branches confondues, qui a atteint un niveau inédit en 2020 : 39,7 milliards d’euros.
En 2021, une nette amélioration est constatée puisque le même déficit s’élève à 24,4 milliards d’euros.

Dans ce contexte budgétaire contraint, le médicament est un levier d’économies systématiquement activé par les pouvoirs publics. La dépense en médicaments représentait 14 % des dépenses de l’Ondam en 2010, contre 11 % en 2021, alors même que la population française vieillit et que l’incidence de certaines pathologies comme les cancers augmente.
Ainsi, la politique du médicament, pilotée uniquement par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS), considère le médicament sous l’angle du contrôle de la
dépense au travers d’une régulation croissante (régulation des prix par la mise en œuvre de campagnes de baisses de prix et par la progression des remises, mobilisation
et réformes multiples des dispositifs de clause de sauvegarde, etc.) à laquelle s’ajoute une des fiscalités les plus lourdes d’Europe (+3 points entre 2016 et 2019).
 

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Conseil stratégique des industries de santé 2021 (CSIS) : « Faire de la France la première nation européenne innovante et souveraine en santé »

Le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) est un cadre de concertation et d’échange entre les pouvoirs publics et les industriels pour mieux appréhender les enjeux du secteur et percevoir les impératifs des politiques publiques.
Le 9e CSIS s’est conclu le 29 juin 2021 par la présentation à l’Elysée, par le président Emmanuel Macron, du plan Innovation santé 2030, qui tend à faire de la France la première nation européenne innovante et à renforcer la souveraineté sanitaire.
Les mesures annoncées ont vocation à transformer en profondeur l’écosystème de recherche français, pour réformer les mécanismes qui permettent aux patients d’accéder aux innovations dans les meilleurs délais, et pour restaurer la compétitivité et l’attractivité de la production française.
Le chef de l’Etat soulignait alors, dans son discours, que « pendant des années, on a ajusté les comptes de santé sur le prix du médicament », reconnaissant ainsi les impacts négatifs de cette politique sur le tissu industriel français.
Emmanuel Macron annonçait ensuite un engagement présidentiel en faveur d’une « dynamique de croissance forte supérieure à celle du précédent CSIS, qui nous a montré la voie à hauteur de 2,4 % par an pour l’Ondam, produits de santé sur des bases claires et partagées », envoyant un signal très fort aux entreprises du médicament.
Cet engagement s’est matérialisé dans la LFSS par une croissance « autorisée » pour le médicament de 2,2 % pour 2022 (en montant remboursé).
S’agissant des dépenses en chiffre d’affaires, valeur de référence pour l’industrie, cela s’est traduit, sans que la clé de conversion ait été explicitée, par la fixation d’un « montant M » relevé de 1,7 % par rapport au chiffre d’affaires net de l’industrie en 2021.

Chiffre d'affaires

24,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires net pour les médicaments en 2021

Le chiffre d’affaires global de l’industrie pharmaceutique en 2021 représente 63,1 milliards d’euros dont 49 % à l’exportation.
Les médicaments remboursés par l’Assurance maladie constituent un marché administré. Ainsi les industriels du médicaments sont amenés à reverser en fin d’année
une partie du chiffre d’affaires correspondant au titre des remises conventionnelles (voir chapitre 2).
Ainsi, remises déduites, le chiffre d’affaires net des médicaments régulés s’élève à 24,5 milliards d’euros .

 

En ville : une croissance brute de de 7,7 % en 2021
En 2021, le chiffre d’affaires des médicaments en ville s’est élevé à 22,8 milliards d’euros (en prix fabricant hors taxes), soit + 7,7 % par rapport à 2020.
• Le marché des médicaments remboursables a vu son chiffre d’affaires croître de 8,4 % entre 2020 et 2021.
• Les médicaments non remboursables représentent, quant à eux, un marché de 1,7 milliard d’euros et qui est stable par rapport à 2020 (– 0,8 %).

A l’hôpital : une forte augmentation en 2021
Le marché hospitalier a connu une forte croissance en 2021 pour atteindre 8 421 millions d’euros.
Le chiffre d’affaires remboursé (avant régulation) a ainsi augmenté de 10,6 % entre 2020 et 2021 pour atteindre 30 102 millions d’euros d’après le Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques (Gers).

 

Les variations importantes entre certains mois de 2020 et 2021 correspondent aux périodes de confinement liées à la crise de la Covid-19.

 

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L’évolution du chiffre d’affaires brut est-il le bon indicateur pour mesurer la croissance sur le marché domestique français ?

Sur l’ensemble du marché en ville et à l’hôpital, si l’on déduit les remises payées par les industriels, le marché pharmaceutique régulé est le même (environ 23 milliards d’euros) en 2019 qu’en 2009.
Ainsi, malgré l’augmentation du nombre de patients traités (sous le double effet de la démographie et de l’épidémiologie), le vieillissement de la population et l’arrivée de deux vagues majeures d’innovations thérapeutiques (les nouveaux traitements de l’hépatite C en 2013 et, plus récemment, les immunothérapies dans le cancer), la croissance
du secteur est restée atone.
L’explosion du montant des reversements annuels en 2020 s’explique notamment par le transfert comptable de remises ATU 2019 (environ 700 millions d’euros) sur l’année 2020. Le marché du médicament a été marqué ces dernières années par un niveau de croissance brut que le secteur n’avait plus connu depuis vingt ans. L’augmentation des besoins, la mise sur le marché de médicaments innovants et les extensions d’indication de molécules
déjà sur le marché auront contribué à cette forte croissance. Les remises ont, quant à elles, poursuivi leur croissance exponentielle.
 

bilan éco


Source : Gers / (p) pour prévisoire

Le chiffre d’affaires réalisé à l’export : vers une stabilisation

Les exportations de médicaments enregistrent une légère décroissance de 1,3 %, pour atteindre un montant global de 30,6 milliards d’euros en 2021. Cette diminution est à
relativiser : sous l’impulsion de la crise sanitaire, les exportations avaient augmenté de 1 % en 2019 et 5 % en 2020.
 

Le secteur du médicament demeure le 4e plus gros contributeur à la balance commerciale nationale en 2021, bien que cette dernière affiche un déficit record de 84,7 milliards d’euros.
Néanmoins, la part de marché de la France à l’export ne cesse de diminuer ces dernières années. Ainsi, la part de marché des exportations française de produits pharmaceutiques a diminué de 0,3 points en 2020 et 1,6 points en 2021.

 

 

A l’échelle mondiale, la France se distingue par une faible croissance du chiffre d’affaires de son marché pharmaceutique.
Selon IQVIA, les prévisions ne sont guère plus optimistes : sur la période 2019-2023, alors que la croissance annuelle moyenne sera comprise entre 3 et 4 % en Espagne, Italie, Allemagne ou Royaume-Uni, elle ne devrait atteindre que 0,5 % dans l’Hexagone.
La faible croissance du marché français comparé aux autres marchés européens ternit l’attractivité de la France dans un contexte de compétition internationale accrue.

 

En France, la croissance du marché pharmaceutique est désormais fortement régulée par le mécanisme de la clause de sauvegarde.
Dans d’autres pays européens, cette régulation est moins forte, permettant au secteur de croître avec moins de contraintes.
C’est vrai au Royaume-Uni, où la croissance du marché pharmaceutique autorisée avant régulation financière est de 2 % par an. C’est également le cas en Espagne, où le marché peut croître au même niveau que le PIB.

Le marché des génériques en 2021

Le répertoire des génériques est géré par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans une approche rigoureuse de santé publique fondant la confiance des parties prenantes.
Il est constitué des groupes génériques représentant le médicament princeps et ses génériques — que ces derniers soient commercialisés ou non.
En 2021, le chiffre d’affaires de ce répertoire s’élève à 5 115 millions d’euros (1 201 millions pour les princeps et 3 914 millions pour les génériques), soit 24 % du marché remboursable ville.
Les médicaments génériques ont permis de réaliser des économies conséquentes au cours de ces dernières années (3 milliards d’euros chaque année depuis 2000, selon le Gemme). En décembre 2021, les ventes de génériques représentaient 84 % du nombre de boîtes vendues dans le répertoire, contre 80,8 % en 2019.
Cette importante progression du taux de pénétration des génériques est liée à la mise en œuvre de l’article 66 de la LFSS de 2019.

Les dispositions initiales de l’article 66 de la LFSS 2019, applicables au 1er janvier 2020, encadrent le recours à la mention « non substituable (NS) », elles instaurent le principe d’un moindre remboursement en cas de refus de substitution et limitent le remboursement à la base de remboursement la plus chère en vigueur du générique ou de l’hybride.

Depuis le premier janvier 2020, les patients ont donc le choix entre prendre le générique et bénéficier du tiers payant, ou bien prendre le princeps et avancer entièrement les frais en étant remboursé uniquement sur la base du générique le plus cher.
Par ailleurs, l’article 42 de la LFSS 2020 prévoit que l’alignement des conditions de remboursement entre princeps et génériques/hybrides ne s’applique qu’après deux ans suivant la publication au Journal officiel du prix du premier générique du groupe.
Suite à la parution d’un arrêté d’application, cette mesure est entrée en vigueur le 15 décembre 2020.

 

Le marché des biosimilaires en 2021

Un médicament biosimilaire est par définition similaire au médicament biologique (substance qui est produite ou extraite à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant) de référence. Il a des caractéristiques de tolérance, de sécurité et d’efficacité clinique qui en sont proches.
L’Union européenne a par ailleurs adopté en 2013 une position sur les produits biosimilaires : ces derniers ne peuvent pas être considérés comme des médicaments génériques, qui sont identiques aux médicaments chimiques.
En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait alors estimé que le principe de substitution par le pharmacien, valable pour les médicaments chimiques, ne pouvait pas s’appliquer automatiquement. En 2014, un article de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) prévoyait un mécanisme de substitution mais le décret n’a jamais été publié.

La LFSS 2020 a supprimé cette éventualité de substitution par le pharmacien, mais le gouvernement s’était alors engagé à réétudier le sujet et à travailler avec les parties prenantes durant l’année 2021.
Ainsi, l’article 64 de la LFSS 2022 a rétabli la possibilité pour les pharmaciens d’officine de substituer des médicaments biosimilaires à des médicaments biologiques de référence. Les deux groupes de biosimilaires substituables ont été publiés par arrêté ministériel du 12 avril 2022 et concernent le filgrastim et le pegfilgrastim.
Le marché des médicaments biologiques (produits de référence et biosimilaires) constitue un objectif important de maîtrise des dépenses de médicaments par les pouvoirs publics. C’est par ailleurs un enjeu important de politique industrielle pour la France.

Alors que les bioréférents connaissent une chute de 16,1 % entre 2020 et 2021, les biosimilaires enregistrent une croissance de 21,9 % sur la même période. Le chiffre d’affaires des biosimilaires a considérablement augmenté ces dernières années (voir graphique ci-dessous), passant de 125 millions d’euros en 2015 à 1,16 milliard d’euros en 2021. Bien que les bioréférents restent majoritaires, on observe également une augmentation des parts de marché des biosimilaires au sein de leurs groupes.
 

Un marché contraint par une lourde régulation

Bien que la France soit un marché pharmaceutique majeur, l’évolution du chiffre d’affaires net des médicaments remboursés entre 2009 et 2019 est restée atone.
Cette absence de croissance surprend, alors même que le vieillissement de la population, l’augmentation de l’incidence et la chronicisation des cancers et l’arrivée d’innovations décisives auraient pu entraîner un emballement de la dépense.
Cette tendance s’explique par un contrôle strict de la dépense par les pouvoirs publics au travers de multiples leviers de régulation.
En effet, dès 1975, pour faire face à une récession importante, des décisions sont prises pour enrayer la dépense pharmaceutique (diminution ou suppression du remboursement de certaines spécialités, baisse de prix, augmentation de la participation des assurés…).
La régulation s’intensifie dans les années 1990 avec l’instauration de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) en 1995 et la mise en place d’une clause de sauvegarde en 1999 (lire l’encadré p. 23).
Les lois de financement annuelles de la Sécurité sociale (LFSS) organisent l’équilibre entre les dépenses et les recettes de l’Assurance maladie autour de quatre grandes enveloppes (médecine ambulatoire, hôpitaux soumis à la tarification à l’activité, autres établissements de soins et établissements médico-sociaux). La mise en place, depuis 2004, de plans annuels de baisses de prix, a eu une incidence forte sur la croissance du chiffre d’affaires du médicament remboursable.
La régulation économique du médicament se fait dans un cadre conventionnel Etat/industrie.

L’accord cadre Leem-CEPS définit les modalités de négociation des prix des médicaments remboursables entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires. Il prévoit également des dispositions contraignantes pour l’industrie (voir chapitre Prix).
Néanmoins, ces dernières années, la diversité des outils mis en place par les pouvoirs publics (CEPS, HAS, Uncam) ont multiplié les outils de régulation extraconventionnels. Au-delà des baisses de prix, les référentiels de bon usage et les rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP), ou le début d’encadrement des prescriptions hospitalières, renforcent la maîtrise des volumes et, par conséquent, limitent la croissance du chiffre d’affaires.
La dépense en médicaments consentie par l’Assurance maladie, qui va contraindre le chiffre d’affaires du secteur, est définie lors de la construction du budget de l’Assurance maladie dans le cadre de la LFSS.
Jusqu’en 2018, le Code de la Sécurité sociale prévoyait la fixation d’un taux de croissance du chiffre d’affaires des médicaments. Ce taux, négatif en 2015 et en 2016, a pu constituer un signal défavorable pour l’investissement de l’industrie en France, et a été dissocié en 2017 pour réguler séparément les médicaments délivrés en ville (taux Lv) et à l’hôpital (taux Lh).
En 2018, l’équilibre de ces taux (0 % pour Lv et 3 % pour Lh) revenait à contraindre le marché pharmaceutique agrégé (ville et hôpital) à un taux de croissance de 0,9 %. A  compter de 2019, le montant de la dépense est désormais défini en France par une unique enveloppe, englobant la ville et l’hôpital (enveloppe M). Pour 2022, cette enveloppe autorise une croissance de 1,7 % pour le médicament.
Le taux de croissance annuel moyen a diminué de 7 points en quinze ans. Il s’établissait à 7 % au début des années 2000. Il se situe à 2,4 % en 2020, après une croissance de 1,3 % en 2019.
La régulation de la dépense en médicaments s’appuie sur quatre leviers : les remises, les baisses de prix, la maîtrise médicalisée et la clause de sauvegarde.

 

1. Les remises permettent à l’Assurance maladie de payer un prix inférieur au prix public pour certains médicaments. Celles-ci sont reversées chaque année par les industriels concernés. Elles sont définies conventionnellement entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les entreprises pour certains médicaments (4 % des produits inscrits faisant l’objet de remises négociées) ou sont définies par la loi dans certains cas. Elles constituent le premier levier de régulation (voir graphique 15).
2. Les baisses de prix sont conclues entre le CEPS et les entreprises commercialisant des médicaments remboursables en France (voir graphique 16).
3. La maîtrise médicalisée correspond à des actions mises en place par l’Assurance maladie ayant pour objectif d’améliorer la pertinence des prescriptions et la consommation de médicaments (voir graphique 17).
4. La clause de sauvegarde se déclenche lorsque le chiffre d’affaires net des médicaments est supérieur au montant M voté lors de la LFSS (voir graphique 18).
Lors de sa création, la clause de sauvegarde se voulait être un garde-fou pour faire face à une augmentation inattendue des dépenses de médicaments. Mais depuis 2014, elle conduit à des reversements quasi systématiques, du fait d’un écartement entre la dynamique souhaitée par le régulateur et la dynamique de croissance naturelle des besoins. Les dernières estimations partagées par le ministère de la Santé prévoient des reversements au titre de la clause de sauvegarde qui devraient avoisiner les 800 millions d’euros en 2021, soit un montant multiplié par 3 par rapport à la plus forte contribution de l’industrie en 2016.
Les mécanismes de régulation se sont donc empilés ; un nouveau mécanisme étant inventé par le régulateur lorsque le ou les précédents commencent à atteindre leurs limites. A l’arrivée, cette accumulation de mécanismes vient se superposer, privant le système français de toute lisibilité et toute perspective de croissance.

 

 

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La clause de sauvegarde : principe, évolutions… et limites

La clause de sauvegarde, créée par la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 1999, prévoyait la mise en place d’une contribution ayant pour vocation de « sauvegarder » le budget de la Sécurité sociale d’une croissance plus importante qu’attendue des dépenses supportées au titre des médicaments remboursables à la ville (clause de sauvegarde « ville »).
Son objectif était alors de garantir une croissance du chiffre d’affaires compatible avec
l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).
Le mécanisme avait ensuite été étendu aux produits de rétrocession en 2006 et aux médicaments de la liste en sus de la T2A en 2010 (clause de sauvegarde « hôpital »).
La LFSS pour 2015 a fixé l’objectif de croissance du chiffre d’affaires des médicaments à – 1,0 % et a unifié les clauses de sauvegarde « ville » et « hôpital » en une clause de sauvegarde L et a instauré une « clause de rendement », en vertu de laquelle les remises conventionnelles ne sont exonératoires que si leur somme atteint
80 % du total du montant de la contribution L dû au titre de l’année considérée. Ce nouveau dispositif était assis sur une assiette élargie, nette de remises.

La LFSS pour 2017 a modifié à nouveau ce dispositif.
La clause de sauvegarde n’était désormais plus une contribution déterminée sur le chiffre d’affaires total réalisé à la ville et à l’hôpital, mais un mécanisme de régulation de la dépense pesant distinctement, d’une part sur les médicaments délivrés à la ville par les officines (taux Lv), et d’autre part sur ceux délivrés par les établissements de santé (Lh).
Cette scission du mécanisme de régulation des dépenses de l’Assurance maladie s’accompagne également de l’application de taux de croissance « L » différents, à savoir un taux Lv à 0 % (pour le chiffre d’affaires des médicaments dispensés à la ville) et Lh à 3 % (pour les médicaments à l’hôpital) pour l’année 2018.
En 2017, le taux Lv n’a pas été dépassé, contrairement au taux Lh (fixé à 2 %), ce qui a conduit les industriels concernés à payer la clause de sauvegarde.
La LFSS pour 2019 a modifié le système de la clause de sauvegarde.
Désormais, l’assiette est de nouveau unifiée entre la ville et l’hôpital, et les génériques et les médicaments orphelins sont inclus. Le chiffre d’affaires considéré est net de remises. La clause de sauvegarde se déclenche si un certain montant « M » de chiffre d’affaires régulé est dépassé pour l’année considérée.
Pour 2019, la croissance du montant «M», initialement fixée à 0,5%, a été rehaussée à 1%*.
Pour les médicaments de ville, seul le chiffre d’affaires réalisé au titre des médicaments inscrits sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L.162-17 du CSS est pris en compte.
Les chiffres d’affaires des médicaments hospitaliers suivants sont à prendre en compte :
— ceux inscrits sur les listes agréées aux collectivités visées à l’article L.5126-4 du CSP (médicaments inscrits sur la liste de rétrocession) ;
— ceux inscrits sur la liste des spécialités prises en charge en sus des prestations d’hospitalisation mentionnées à l’article L.162-22-7 du CSS (médicaments inscrits sur la liste T2A) ;
— ceux bénéficiant d’une autorisation temporaire d’utilisation prévue à l’article L.5121-12 du CSP (médicaments sous ATU) ;
— ceux pris en charge au titre de l’article L.162-16-5-2 du CSS (médicaments pris en charge au titre de la période post-ATU, c’est-à-dire entre l’AMM et la parution au Journal officiel d’une décision de remboursement).

La méthode de calcul de la clause de sauvegarde a fait l’objet de multiples réformes au cours des dernières années, concernant sa structure (une ou plusieurs enveloppes), son mode de calcul (taux de croissance ou montant), son assiette de calcul (exclusion ou inclusion des produits orphelins et génériques) et le chiffre d’affaires visé (chiffre d’affaires brut ou net de remises).
Cette instabilité juridique en fait un instrument de régulation difficile à prévoir pour les industriels.
Depuis 2019, l’enveloppe M est le montant de chiffre d’affaires net de l’ensemble des médicaments remboursables au-delà duquel les industriels doivent reverser une contribution. Les modalités de construction de ce montant ne sont pas précisées par la loi : alors que le principe de l’enveloppe M est stable dans la loi depuis 2019, son imprévisibilité reste entière du fait de méthodes de calcul fluctuantes.
Jusqu’en 2022, c’est la méthodologie historiquement inscrite dans le code de la sécurité sociale qui a prévalu : le montant M était calculé à partir d’une estimation du CA net de l’année précédente auquel était appliqué un taux de croissance.
Pour l’année 2023, la méthodologie de calcul du montant M n’a pas été communiquée au Leem.

La clause de sauvegarde, un outil de régulation en voie de détournement

Lors de sa création, la clause de sauvegarde se voulait être un garde-fou pour faire face à une augmentation inattendue des dépenses de médicaments. Mais depuis 2014, elle conduit à des reversements quasi systématiques, du fait d’un écartement entre la dynamique souhaitée par le régulateur et la dynamique de croissance naturelle des besoins. Les estimations partagées en septembre 2022 par le ministère de la Santé prévoient des reversements au titre de la clause de sauvegarde, qui devraient avoisiner les 800 millions d’euros pour 2021, soit un montant multiplié par trois par rapport à la plus forte contribution de l’industrie en 2016.
Pour la première fois, un objectif de rendement de la clause de sauvegarde a été inscrit dans la LFSS 2022. Cet objectif, fixé à 125 millions d’euros, devrait être sensiblement dépassé. La clause de sauvegarde constitue aujourd’hui un instrument de plein exercice de régulation de la dépense.

Une imprévisibilité néfaste pour les entreprises

Les estimations initiales des montants de clause de sauvegarde à reverser par les entreprises reposent sur une estimation de l’atterrissage du chiffre d’affaires (CA) net en fin d’année N de l’ensemble des entreprises sur le champ des médicaments régulés. Cette estimation est généralement réalisée sur la base des données de l’année précédente.
Plusieurs facteurs d’incertitude expliquent les difficultés partagées par les entreprises dans l’évaluation de ce montant :
— le CA net N de l’industrie n’est véritablement connu qu’en milieu d’année N+1 ;
— les montants des remises ne sont connus qu’en fin d’année N+1 ;
— le rendement des mécanismes de régulation est inconnu jusqu’à leur parution, c’est- à-dire en fin d’année N+1 pour les baisses de prix, en fin d’année N+2 pour la maîtrise médicalisée.
Ces difficultés sont partagées par l’administration, comme l’ont montré les discussions autour du PLFSS 2022. Un rendement de 400 millions d’euros au titre de la clause de sauvegarde 2021 avait en effet été avancé par l’administration.
Or, les dernières données partagées par la direction de la Sécurité sociale (septembre 2022) font état d’un montant qui devrait être deux fois supérieur aux estimations initiales.
Les écarts entre estimation et réalisation ont des conséquences directes pour les entreprises :
— une situation d’incertitude difficilement compréhensible pour les maisons mères et les auditeurs, et qui nuit à l’attractivité des filiales françaises ;
— un impact sur le pilotage du budget et l’atteinte des objectifs des entreprises ; ces changements a posteriori pouvant par exemple conduire les entreprises à rouvrir les comptes de l’année précédente.

 

 

L’essentiel

63,1 milliards d'euros

Chiffre d'affaires réalisé en 2021 par l'industrie pharmaceutique, dont 49 % à l'exportation.

10,6 %

Taux de croissance du chiffre d'affaires du médicament remboursable entre 2020-2021.

640 millions d'euros

Montant des baisses de prix en 2021.

84 %

Part des génériques, en volume, dans le répertoire en 2021.

21,9 %

Croissance du chiffre d'affaires des biosimilaires entre 2020 et 2021.

71,3 %

Part des médicaments remboursables prescrits dans le chiffre d'affaires d'une officine.

1,8 milliards d'euros

Chiffre d'affaires généré par les médicaments d'automédication.

131 millions d'euros

Montant de la taxe sur la promotion payée par les entreprises du médicament.