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SantExpo 2023 : « Médicaments : accès et régulation, amis ou ennemis ? »

25.05.23
L’accès des médicaments relève d’un mécanisme complexe qui conjugue des problématiques qui semblent inconciliables. Alors que la Première ministre a lancé une mission sur le financement et la régulation des produits de santé, comment conjuguer soutenabilité financière de la Sécurité sociale et accès des patients aux traitements ? Lors d’une table ronde organisée le 24 mai par le Village des entreprises du médicament au salon SantExpo, quatre intervenants ont échangé sur ce sujet.

L’accès des médicaments relève d’un mécanisme complexe qui conjugue des problématiques qui semblent inconciliables. Alors que la Première ministre a lancé une mission sur le financement et la régulation des produits de santé, comment conjuguer soutenabilité financière de la Sécurité sociale et accès des patients aux traitements ? Lors d’une table ronde organisée le 24 mai par le Village des entreprises du médicament au salon Santexo, quatre intervenants ont échangé sur ce sujet.

Les termes de l’équation sont rapidement posés. D’une part, des vagues d’innovation arrivent avec des besoins en financement qui n’ont jamais été aussi importants. D’autre part, nous n’avons jamais atteint un tel niveau de contrainte budgétaire. Le paradoxe semble irréconciliable tant les enjeux s’entrechoquent. Et le risque est de taille car l’accès des patients aux médicaments en est directement remis en cause.

Des injonctions contradictoires

L’exemple de la mucoviscidose est une illustration - tristement – sans équivoque de cette antithèse. 7 500 patients en France atteints de cette maladie génétique, un âge médian de décès des patients de 38 ans et… un traitement révolutionnaire commercialisé en France en 2021, deux ans après sa mise à disposition aux Etats-Unis ! « Certains patients ont pu en bénéficier avant sa mise sur le marché, grâce à des mécanismes dérogatoires d’autorisation précoce, mais d’autres n’ont pas eu cette chance », déplore David Fiant, Président Vaincre la Mucoviscidose. En cause, des négociations interminables entre le gouvernement et les industriels. Et cet exemple n’est pas le seul. « Des antimigraineux innovants sont arrivés en Europe en 2020, considérés comme une innovation incrémentale très importante en Allemagne, ajoute Damien Dorizon, Président du Comité Suivi de la régulation du Leem. Les autorités françaises, elles, ont jugé qu’ils n’apportaient pas d’innovation ».

Car oui, le marché du médicament est soumis à la concurrence internationale. « Comme on dit en économie, il n’y a pas de « repas gratuit », commente Olivier Redoulès, Directeur des études chez Rexecode. Les baisses des dépenses observées sur le médicament depuis 10 ans sont portées par les producteurs ». Or, dans ce marché mondialisé, le sujet de l’attractivité ne peut être ignoré. Si nous avons des prix très bas, nous ne serons pas les mieux servis. « Les revenus des industriels s’amoindrissent par rapport aux filiales des autres pays », alerte Damien Dorizon. Résultat, la voix de la France dans les groupes internationaux est de moins en moins prise en compte. Et l’économiste le confirme, de nombreux signaux (dépendance accrue, diminution de l’outil industriel…) montrent que le modèle français arrive à bout de souffle.

Un prix bas et une régulation dogmatique qui entravent l’attractivité et risquent d’entraîner une médecine à plusieurs vitesses entre les patients qui peuvent s’acheter les médicaments ou se les procurer chez nos voisins, et les autres.

Vers un arbitrage démocratique ?

L’équation paraît insoluble. Pourtant, certaines pistes permettraient de concilier ces deux impératifs : accéder aux innovations tout en solvabilisant le système.

Un préalable pour que le régulateur puisse se positionner serait déjà de disposer des bons outils. « Les hôpitaux sont incapables de fournir les données de santé nécessaires à l’évaluation pour le suivi d’une autorisation d’accès précoce, relève Jean-François Husson, Pharmacien hospitalier au centre hospitalier de Blois. Il est urgent d’investir dans des systèmes d’information hospitaliers ».

Et en cas de désaccord, plutôt que de bloquer dans le temps l’accès aux patients, pourquoi ne pas faire intervenir des commissions d’arbitrage comme en Allemagne ? « Il faut aller plus loin et avoir des commissions arbitrales indépendantes qui s’inscrivent dans la logique de démocratie sanitaire », propose Damien Dorizon. Et David Fiant de regretter le manque actuel d’inclusion des patients dans les négociations. « Il faut inclure les patients à toutes les étapes, jusqu’à celle de la négociation où les patients peuvent apporter sur le calcul des économies générées par un traitement ».

Car l’une des solutions pour résoudre l’équation entre le financement de l’innovation et la solvabilité du système, c’est bien sûr de comprendre les déterminants économiques et de tenir compte des externalités positives. Comment faire des économies en favorisant l’accès ? Pour Eric Baseilhac, Directeur Accès, Economie et Export du Leem, « Le bon usage du médicament, la prescription pertinente, la prévention… sont des combats qu’il faut continuer à mener de front. Même si elles sont loin de combler la décapitalisation budgétaire dont a été victime le médicament, elles constituent des sources d’économies des dépenses à ne pas négliger ». 

S’il fallait choisir une piste pour conclure, ce serait probablement l’inévitable question politique. « Nous avons un souci de conflit d’objectifs dans un cadre économique contraint, explique Olivier Redoulès. Il faut une capacité d’arbitrage stratégique qui permette de faire des choix avec une vision globale ». Difficile quand le médicament dépend de plus d’une dizaine d’administrations différentes. Une gouvernance interministérielle du médicament, une solution sine qua non ?