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Discours de Philippe Lamoureux - Hésitation vaccinale et préparation aux futures pandémies

24.05.22
A l’occasion de la 24ème édition des Rencontres francophones, organisées le 22 mai par le Leem en partenariat avec l’Organisation Internationale de la Francophonie, Philippe Lamoureux a tiré les leçons de la pandémie de Covid-19 et a présenté les enjeux pour se préparer aux prochains défis sanitaires.

Mesdames et Messieurs les ministres,

Monsieur le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé,

Excellences, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui – en présentiel - , aux côtés de M. Geroges Nakseu-Nguefang, Représentant Permanent de l’Organisation Internationale de la Francophonie, pour ouvrir cette nouvelle édition des Rencontres Francophones. Il s’agit d’un rendez-vous incontournable, en marge de l’Assemblée mondiale de la Santé, que nous organisons pour la 24e année consécutive !

Après deux ans d’instabilité politique, sanitaire, et économique à l’échelle mondiale, l’enjeu qui nous réunit ce matin est d’une importance majeure, pour nous, mais surtout pour les futures générations : comment lutter efficacement contre la « maladie X » ?

En effet, cette menace fantôme, appelée X, est inscrite par l’OMS dans la liste des pathologies majeures pouvant causer un danger international. Nous avons déjà eu une succession de maladies X, avec Ebola, Zika, et récemment le Covid-19.  Il n’est plus question de se demander s’il y aura une prochaine pandémie, mais quand elle aura lieu, et quelle forme elle prendra.

Dans une démarche prospective, ces échanges ont pour objectif de réfléchir, ensemble, à un cadre international qui nous permettra d’être mieux armés pour faire face aux périls infectieux.

L’objet de nos réflexions au cours de cette matinée consistera à proposer des pistes de réflexions pour renforcer nos moyens de prévention, de riposte, mais aussi, pour instaurer un cadre de confiance dans la recherche et l’innovation, alors que le taux de vaccination dans le monde semble stagner ces derniers mois.

Le premier vaccin contre la COVID-19 a été approuvé seulement 326 jours après la publication de son génome. Cette rapidité est déjà le fruit d’une merveille scientifique.

  • Mais nous souhaitons faire encore mieux. Dans le cadre d’une future pandémie, les Entreprises du Médicament partagent l’ambition, aux côtés des leaders du G7 et des organisations internationales[1], de la mise à disposition d’outils de diagnostics, vaccins et traitements en seulement 100 jours après l’alerte de l’OMS[2].

Bien sûr, le succès de cette mission exigera des efforts collectifs, et je souhaiterais partager avec vous ma réflexion autour de trois éléments essentiels pour cette préparation.

  1. Concernant la recherche, premièrement.

La mise a disposition des vaccins a été possible grâce à des décennies de recherches préalables, à l’appui des gouvernements et aux partenariats créés à travers le monde.  Aujourd’hui encore, nos entreprises travaillent sur de nouveaux vaccins universels, qui pourraient, par exemple, être administrés en même temps que d'autres vaccins. Certains projets explorent de nouvelles méthodes d'administration, comme les sprays nasaux, ou même, de nouvelles méthodes de fabrication, visant à réduire les délais de livraison. La recherche scientifique est encouragée par un cadre institutionnel, soutenant l'innovation et la propriété intellectuelle, qui ne devrait pas être remis en question.

Par ailleurs, nous savons que deux tiers des maladies émergentes sont des zoonoses, franchissant la barrière de l’espèce. Si l’initiative One Health fait l’objet d’un large consensus, cette approche manque d’opérationnalité. La mise en place de politiques coordonnées et incitatives visant au décloisonnement et à la transversalité de la recherche scientifique sa essentielle pour prévenir efficacement l’apparition de pathologies infectieuses dans le monde.

  1. Deuxièmement, l’enjeu de la production, pour assurer un approvisionnement pérenne aux vaccins.

Nous avons, ces dernières années, réussi à doubler la production mondiale de vaccin, passant de 5 à 11 milliards en 1an. Aujourd’hui, nous sommes capables de produire 1 milliard de vaccin Covid-19 par mois. Cela a notamment été possible grâce aux achats anticipés des gouvernements, qui, en partageant le risque, ont permis des investissements supplémentaires dans la capacité de production.

Mais l’enjeu capital est celui de la distribution géographique de ces outils de production. Nous parlons aujourd’hui de souveraineté pharmaceutique, car les états ont constaté l’importance d’une production locale de médicaments. Depuis, c’est le business model de notre industrie qui subit une profonde mutation, et nous nous en réjouissons. De nombreux efforts se multiplient pour renforcer les capacités de production dans le monde. L’Inde est déjà le plus gros fabricant mondial de vaccins.  Deux nouveaux centres régionaux, en Argentine et au Brésil, ont été sélectionnés pour la production de vaccins à base d'ARNm. Moderna et BioNtech se sont également engagés à accompagner le développement de ces technologies sur le continent Africain. Ces entreprises proposent des approches innovantes, comme l’exportation d’usines en kit.

Cependant, le développement des capacités de production devra également s’appuyer sur des engagements politiques. Avec, notamment, la définition préalable et concertée des besoins de santé publique, le renforcement et l’harmonisation des réglementations, ainsi que le développement de la formation scientifique.

  1. Le dernier point que je souhaiterais évoquer aujourd’hui est celui de la confiance.

En 2019, l’OMS classait l’hésitation vaccinale dans les 10 plus grandes menaces pour la santé publique auxquelles nous devrons faire face.

Nous avons besoin de construire une relation intersectorielle entre les scientifiques, les autorités sanitaires mais aussi les partenaires du secteur privé et de la société civile.

Le vaccin n’est pas un produit comme les autres. La confiance doit se construire sur des faits scientifiques et tangibles. Elle doit pouvoir s’appuyer sur de solides systèmes de pharmacovigilance, sur la détection et le signalement des effets indésirables. Et, bien entendu, ce sont sur ces données que les recommandations politiques doivent être fondées.

Avant la prochaine pandémie, des lignes directrices sur la façon dont les risques émergents doivent être évalués, gérés et communiqués, devraient être affinées et renforcées.

Pour conclure, notre vision de la préparation aux pandémies repose sur deux objectifs ambitieux :

  • UN : La création d’un cadre international qui permettra le développement de produits de santé efficaces, dans les 100 jours suivant une déclaration de pandémie
  • DEUX : la garantie de l’accès, pour tous, à ces produits de santé, grâce à une souveraineté pharmaceutique partagée.

Je ne doute pas que les propos de la table ronde à venir nous fourniront de riches enseignements.

J’aimerais terminer par cette citation d’un homme très inspirant:

« Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends ».

Je tiens à remercier tous nos intervenants pour la richesse de leur propos et leur contribution à notre réflexion commune. La francophonie est un modèle de coopération dont la communauté internationale peut s’inspirer. Les synergies ne cessent de se renforcer et nous avons encore beaucoup à faire pour structurer cette action internationale de lutte contre les pandémies.

Je vous remercie.

 

[1] En juin 2021, les dirigeants du G7 et de l'industrie des sciences de la vie ont accueilli favorablement la Mission 100 jours suite aux recommandations du partenariat pour la préparation aux pandémies, un groupe international d'experts réuni par le conseiller scientifique en chef du gouvernement britannique, Sir Patrick Vallance, pour conseiller la présidence du G7.

[2]https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/992762/100_Days_Mission_to_respond_to_future_pandemic_threats__3_.pdf

En décembre 2021, le Royaume-Uni a publié ce rapport, qui documente les progrès et les plans de la mission, témoignant du travail en cours par les OI et le secteur privé (notamment l'OMS, le CEPI, IFPMA…) pour réaliser la mission.