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Tribune de Frédéric Collet - Covid : « La levée des brevets sur les vaccins ne réglerait pas le défi de la production de masse et menacerait l’innovation dans le futur »

29.03.21
Point de vue publié par Le Monde.fr le samedi 27 mars 2021

Les appels se multiplient pour faire de ces produits un bien public mondial, mais une telle décision aurait des conséquences opposées à celles souhaitées, souligne, dans une tribune au « Monde », Frédéric Collet, le président des Entreprises du médicament.

Tribune. Nous comprenons l’impatience causée par l’arrivée progressive des livraisons de vaccins contre le Covid-19. Et nous souhaitons, comme tous, en finir avec cette pandémie. Nous pensons que la réponse doit être globale et solidaire, dans des délais les plus courts possible. Il ne faut pas oublier l’exploit exceptionnel qu’a été la mise au point de vaccins en une année.

Cependant, la levée des brevets sur les vaccins ne permettrait pas d’accélérer et d’augmenter leur production pour les mettre à disposition de l’humanité entière plus rapidement. Le penser serait nier la complexité de la mise au point de ces vaccins ; pire encore, ce serait désavouer l’utilité du cadre réglementaire de la propriété intellectuelle.

Certes, le droit national prévoit l’existence d’une licence d’office dans le code de la propriété intellectuelle. L’article est ainsi formulé : « Si l’intérêt public l’exige et à défaut d’accord amiable avec le titulaire du brevet, le ministre chargé de la propriété industrielle peut (…) soumettre par arrêté au régime de la licence d’office (…) tout brevet. » Mais la France n’y a jamais eu recours. Et pour cause, des solutions ont toujours été trouvées. Dans le cas des vaccins contre le Covid, cela signifierait que les laboratoires pharmaceutiques refusent de mettre leurs vaccins à disposition. Ce n’est bien sûr pas le cas.

Les entreprises du médicament, engagées comme tous depuis un an dans cette course contre le virus, multiplient les collaborations inédites (notamment avec la multiplication des licences volontaires) pour répondre aux besoins en termes de recherche, de production mais aussi d’accès aux vaccins pour les populations.

Technologies trop innovantes

En février 2021, on comptait plus de 230 accords de fabrication et de production dans le monde entier. Les laboratoires participent également à l’initiative Covax, lancée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour garantir un accès équitable des vaccins aux pays les plus pauvres.

Le débat ne se situe pourtant pas là. Fabriquer des milliards de doses pour des personnes à travers le monde sans jamais compromettre la qualité ou l’innocuité des vaccins est un défi sans précédent. Il s’agit de produits biologiques complexes à mettre au point et les outils de production disponibles sont déjà totalement mobilisés.

Les technologies sont trop innovantes pour être transférées simplement d’un site à l’autre et les véritables verrous – technologiques et logistiques – ne seraient pas levés par des licences d’office. Chaque site de vaccination nécessite des techniciens hautement qualifiés et des équipements de pointe (bioréacteurs, centrifugeuses, chambres froides…) qui répondent à des normes réglementaires élevées de sécurité et de performance.

Concrètement, lever les brevets sur les vaccins contre le Covid ne réglerait pas le défi de la production de masse qui se pose aujourd’hui. D’ailleurs, le code génétique du SARS-Cov2 et de l’ARN messager est dans le domaine public, c’est la technologie d’encapsulation et le savoir-faire qui appartiennent à des entreprises.