Communiqués de presse
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Souveraineté sanitaire et soutenabilité économique des entreprises : le cas du prix des médicaments essentiels

16.04.24
La mission des entreprises du médicament est de prévenir, soigner et sauver des vies, de manière éthique et responsable, en s’assurant que tous les jours, les patients aient accès aux traitements dont ils ont besoin. Aujourd’hui, de nombreux obstacles fragilisent cette mission ; la souveraineté sanitaire d’un pays ne peut être préservée sans la soutenabilité économique de ceux qui mettent au point et produisent les médicaments.

La France se distingue par un prix inférieur à la moyenne européenne sur l’ensemble du cycle de vie du médicament[1] : prix de lancement inférieurs à ceux pratiqués dans les autres pays européens et nombreuses baisses de prix. Ce recours de la France à la régulation par les prix a été noté par la Mission interministérielle « Financement et régulation des produits de santé ».

Alors que des travaux d’économistes montrent l’impact des prix faibles et des écarts de prix à l’international sur l’aggravation des pénuries, le Leem a sollicité une analyse du cabinet Simon-Kucher & Partners (SKP) sur les prix des médicaments essentiels, c’est-à-dire ceux que la France souhaite protéger des pénuries pour assurer sa souveraineté sanitaire.

Le cabinet SKP a procédé à une analyse des « 450 molécules essentielles » figurant dans la liste établie par le Ministère de la Santé en 2023, qui sont pour la plupart des molécules anciennes. Il en résulte que celles-ci cumulent les facteurs de risques pointés par les économistes :

  • Leurs prix sont globalement plus bas que ceux du reste du marché français (56% ont un prix public TTC unitaire inférieur à 1€ et 36% inférieur à 25 centimes, contre respectivement 41% et 26% pour les autres médicaments)*.
  • Leurs prix fabricant hors taxes sont en moyenne entre 15% et 30% plus bas en France que chez nos voisins européens (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie)**.

Par ailleurs, le Leem constate que les hausses de prix des médicaments restent très minoritaires en France par rapport au nombre de baisses : 9 hausses en 2022[2] (24 hausses en 2023[3]) contre 499 baisses[4]. Cela témoigne de la logique de dévalorisation progressive qui prévaut dès l’entrée d’un médicament sur le marché français.

 

Des pénuries aux causes multiples, aggravées par le niveau de prix
 

La Toulouse School of Economics (TSE) a mis en évidence dans un working paper de 2023 que les prix bas en France sont associés à un plus grand nombre de pénuries et une plus grande amplitude des ruptures d’approvisionnement sur le territoire[5]. L’existence de prix plus élevés à l’étranger produit un effet protecteur, car un prix mondial moyen plus élevé permet aux fabricants de continuer d’investir dans leur appareil de production, ce qui favorise l’approvisionnement mondial et indirectement celui de la France. En revanche, à la survenue d’une pénurie, l’existence d’un écart de prix défavorable au marché français conduit à pénaliser la France dans la compétition internationale pour l’accès à la « ressource rare » que devient le médicament.

 

Le rapport de la mission interministérielle « Financement et régulation des produits de santé[6] » souligne lui aussi la tendance française à la baisse des prix et son impact négatif sur la compétitivité de l’industrie pharmaceutique et sur l’attractivité de la France. D’autant que d’autres facteurs pèsent lourdement sur la rentabilité des entreprises présentes sur le territoire français : le contexte inflationniste, les taxes sectorielles plus nombreuses et plus lourdes qu’ailleurs en Europe (dont une clause de sauvegarde d’un niveau historique de 1,6 milliard €), ou encore les obligations réglementaires, comme celle d’immobiliser plus de stocks sur le territoire français que dans les autres pays européens. Tout cela représente un coût considérable et soumet les entreprises à une pression insoutenable pour certaines.


Les entreprises du médicament sont conscientes de la pression qui pèse actuellement sur les finances publiques. Elles contribuent d’ailleurs de longue date aux économies du système de santé comme le montre la part décroissante de la dépense de médicaments dans le budget de l’Assurance Maladie (8,9% en 2023 contre 11,7% en 2010).

« Notre système économique, fiscal et réglementaire nuit à la compétitivité du pays et à son attractivité. Il fragilise toute la chaîne d’approvisionnement des médicaments en menaçant la disponibilité sur notre territoire de produits essentiels à la santé des patients, qu’ils soient matures ou innovants », souligne Thierry Hulot, président du Leem. « Nous appelons à nouveau le Gouvernement à se saisir des recommandations de la Mission interministérielle « Financement et Régulation des produits de santé[7] », en concertation avec tous les acteurs, dont les industriels ».

 

Le Leem rappelle ses propositions :

  • Accélérer les hausses de prix pour les médicaments dont les conditions économiques ne permettent pas de sécuriser leur production ou leur mise à disposition.
  • Amorcer une réelle décroissance du montant de la clause de sauvegarde pour atteindre moins de 500 millions d’euros d’ici 3 ans.
  • Considérer le médicament comme un investissement et non pas uniquement comme une dépense à couper pour le système de santé, en lui octroyant une croissance de financement au moins équivalente à celle des autres postes de l’ONDAM.


    L’étude complète SKP est disponible sur leem.org : Analyse de l’environnement économique des médicaments essentiels - Rapport et synthèse, Simon Kucher pour le Leem | Leem
 

* Analyse de 302 molécules essentielles de ville ; ** Analyse de 390 molécules essentielles ayant un prix disponible en ville ou à l’hôpital

[1] International Price Comparison 2023, TLV https://www.tlv.se/download/18.718021f218bf6061c47b9638/1701764197693/r…

[2] Rapport d’activité du CEPS pour 2022

[3] D’après une déclaration du CEPS en avril 2024

[4] Rapport d’activité du CEPS pour 2022

[6] Rapport « Pour un new deal du médicament » publié en août 2023, page 25.

 

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